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Repérage
Zinal, l'ermite de l'Arolec

Zinal, l'ermite de l'Arolec

1 janvier 1978
A. Salamin
Albin Salamin

Au-dessus de Zinal, les habitants pouvaient observer un paisible chalet, vieux de six siècles, accroché à une pente abrupte, au milieu d'un mayen entouré de conifères et en particulier d'aroles, d'où le nom.

Ce mayen est situé à 2000 mètres d'altitude sous l'alpage de Lirec, au dessous, Les Diablons.

C'était là que vivait une dame, Mlle Rosa Édith Schmucki, née le 19 octobre 1913 à Zurich. Pour certains habitants du village, c'était une "sorcière" et pour les autres une "vieille folle" dont il valait mieux éviter la fréquentation. Une femme vivant seule dans un chalet loin de tout, loin de la folie du monde et des hommes, ce n'était pas "normal".

Pour la rencontrer, il fallait bien se chausser afin d'arpenter le sentier pédestre, raide et caillouteux en été et l'hiver, seuls quelques parapentistes pouvaient atteindre son chalet "sous la neige" et lui apporter quelques provisions et le courrier, le facteur ayant renoncé depuis longtemps à rallonger sa tournée jusque là-haut.

Une fois par année, le ravitaillement affrété par une nièce habitant le canton de Vaud dans la commune de Chardonne, Mme Édith Rentsch-Moser, lui parvenait par hélicoptère.

Mlle Schmucki vivait la plupart du temps dans la cuisine de ce chalet et très peu dans les autres quatre pièces. Le chalet, elle l'avait acheté en 1947, lasse de s'occuper d'une auberge de jeunesse à Zinal. Au début, elle y avait créé un petit centre de vacances qui fonctionna durant quelques années, avant qu'elle ne choisisse la solitude, inspiré par un besoin de spiritualité.

Que faisait-elle avant sa venue à Zinal? Était-elle journaliste-reporter? Personne le sait. Une chose était connue, elle avait suivi des cours de français moderne à l'Université de Genève, dans les année cinquante sous la direction de Mme Lise Girardin, ancienne maire de Genève, et vivait de son AVS et d'une retraite d'enseignante.

Selon le Nouvelliste du 15 janvier 1963, cette dame, originaire de St-Gall, aurait été enseignante. Elle vivait de quelques légumes et élevait deux moutons, trois chats, des lapins et des poules. Dans ces années là, elle recevait du ravitaillement par dos de mulet.

Elle a vécu dans ce chalet de 1959 à l'an 2000, puis elle habita avec sa sœur à Chardonne jusqu'à sa mort.

NB: des anciens de Zinal pourraient peut-être apporter quelques informations complémentaires à cette histoire de l'Ermite de Zinal

@ Albin 1 février 2016

Elle y habitait à l'année et l'hiver était rude:

Mlle Rosa Édith Schmucki dans la pièce de son chalet qui lui servait tout à la fois de cuisine, de chambre à coucher et de réduit à provision (Photo de l'Illustré 1994)

Reportage du Magazine l'Illustré (23 mars 1994 et documents fournis par une nièce, Mme Heidi Meichtry-Moser à Münchwilen dans le canton de Thurgovie.

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  • Michel Savioz

    J'ai très bien connu cette vénérable dame. (1977 - 1983). A l'époque j'étais gendarme à Vissoie. L'hiver je passais la voir assez souvent, en tous cas une fois par semaine. Elle possédait un vieux bélier qui faisait office de chien de garde. Elle avait le téléphone et nous appelait souvent à la gendarmerie... En effet beaucoup de souvenirs... Dominique Pierre Henri Praz

  • Michel Savioz

    Elle avait un chien qui descendait régulièrement au village , il portait dans son collier un billet, André Bonnard du magasin de la poste le réceptionnait, et faisait parvenir les désirs de "La Schmucki" par des promeneurs ou des passants de ce secteur. Francine Schalbetter

  • Michel Savioz

    Avec l’école secondaire de Sierre, j'ai fait un camp d'été chez "la Schmucky" à la fin des années 50... Alain Ganioz

  • Albin Salamin

    Merci Michel pour la transmission de ces messages

  • Fernande David

    Je me souviens bien de Mlle Schmucki et de son chien Ruckeli, un extraordinaire petit Appenzellois . Notre chalet de Pralonzet est/était sur le chemin de l’Arolec. Ruckeli y passait et allait apporter la commande accrochée à son collier au magasin du village, chez les Bonnard. Au retour, il s’arrêtait pour jouer avec nous les enfants du quartier puis disparaissait soudainement après avoir entendu l’écho de l’appel de sa maîtresse. Mais quand il avait un sachet dans sa gueule, il filait droit, sourd à nos appels - il transportait des médicaments nous disait-on. Vers la fin des années soixante, avec mes parents, nous montions parfois à l’Arolec en visite. Mlle Schmucki nous avait dit qu’elle s’était retirée d’un couvent en Suisse allemande pour vivre à l’écart du monde dans ce coin du val d’Anniviers. Elle avait un léger handicap qui la faisait boiter. La famille Bonnard, bien avant que les parapentistes n’existent, a été très dévouée. Elle livrait les réserves, particulièrement avant l’hiver, telles que du lait en poudre, des aliments secs comme du riz, des pâtes, etc.. et bien-sûr, des médicaments . Toute l’année, elle était le contact téléphonique ponctuel et quasi quotidien qui permettait à Mlle Schmucki de vivre au mieux son isolement. L’hiver est long à l’Arolec. Il y avait jusqu’à deux mètres de neige à sa porte. Elle devait vivre confinée dans une partie du rez-de-chaussée de son chalet. Pas étonnant qu’elle n’ait eu quelques délires paranoïaques, comme sur la mort suspecte de ses moutons qu’elle attribuait à la mafia par exemple. Mais, pour le visiteur, elle restait une personne accueillante et étrange. Ce qui lui a valu d’être surnommée à l’époque « sorcière » ou « vieille folle » et attisé la curiosité des touristes qui n’hésitaient pas à frapper à notre porte pour demander leur chemin pour rejoindre le chalet de la sorcière. Fernande David

  • Albin Salamin

    Merci madame pour ce magnifique témoignage!