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"Il y a environ 300 internés à Montana"

"Il y a environ 300 internés à Montana"

30 mai 1916
carte: Ed. G. Werro, Photo-Hall, Montana; coll PM Epiney
Pierre-Marie Epiney

Carte postale expédiée de Montana-Vermala le 30 mai 1916. Elle est écrite par un interné belge et destinée à ses parents, soit A.M., professeur domicilié à Jambes-Namur. Il est spécifié dans l'adresse : Pays occupé Belgique.
La carte porte deux sceaux postaux : un de Montana-Vermala et un du lieu d'arrivée Jambes (date malheureusement indéchiffrable) ainsi que de deux sceaux de censure:
le premier semblable à un sceau postal est localisé à Konstanz et le second est une contremarque rouge "Kriegsangenensendung, Geprüft"
Il y aussi un sceau bleu "Internement des Prisonniers de Guerre, Montana s/Sierre- Suisse".

Voici la transcription de la carte:
27 mai 1916
Cher papa et chère maman,
Il y a environ 300 internés à Montana, presque tous français; à l'hôtel Bella-vista, nous sommes tous belges (32) et nous sommes bien logés et bien nourris. La discipline est assez sévère. Ce que j'admire le plus, ce sont les fleurs sauvages qui sont très belles. Je n'ai plus besoin de colis de vivres et pour le reste, linge, vêtements etc... J'en trouverai ici à meilleur compte qu'en Belgique.
Nous devons payer nos boissons; c'est pourquoi un mandat d'une centaine de francs me ferait grand plaisir. Je sens que le grand air me ranime, me fortifie de jour en jour.
Je vous embrasse de tout mon cœur chère maman et cher papa et Lucien aussi.
Emile


Voici ce que dit Edmond Bille dans son ouvrage "le Carquois vide" au sujet des Belges qui lui sont confiés :

Quant à mon secteur belge, c'est une sorte de cour des Miracles, qui offre ceci de particulier qu'on ne sait plus très bien si on a devant soi des civils ou des soldats, tant ils mettent de fantaisie vestimentaire et d'indiscipline dans leur tenue. Dans le nombre se trouve une femme, déjà âgée, brave institutrice, qui n'a pas voulu se séparer de son mari, un jardinier gantois, non militaire. Elle l'a suivi en Allemagne, et a passé en Suisse avec lui, à l'aide d'on ne sait trop quelle complaisances.

La présence de cette internée, au milieu de mes soldats, restera jusqu'à la fin une énigme qui, longtemps, intrigua les bureaux de l'internement.

Je n'ai du reste aucune raison de me plaindre de ce brave couple, seul parmi mes Belges à montrer un peu de discipline et à ne pas faire les cent coups. Je dispense naturellement Philémon et Baucis de l'appel principal et de certaines corvées.

Je ne suis jamais très fier de passer en revue, sur la place publique, ces bons géants des Flandres, et ces Wallons, grands enfants, aux uniformes démodés, aux grosses mains de mineurs, qui s'amènent en traînant la quille, goguenards ou ahuris sous leurs bonnets de police à gland. Leurs savez-vous liégeois et l'accent du terroir font ma joie et je m'en amuserais si mes fonctions ne m'obligeaient à rester devant eux, grave comme un président de Cour d'assises.

Edmond Bille, le Carquois vide, la Baconnière, 1939

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