Valais, premier livre de lecture

Valais, premier livre de lecture

1854
anonyme, ouvrage autorisé par le département de l'instruction publique
Pierre-Marie Epiney

Comme le livre de géographie présenté ici, "l'Ami de l'Enfance" ou "premier livre de lecture pour les écoles primaires du Valais" a été publié à Sion en 1854.

Il s'agit sans doute du livre unique de lecture pour tous les degrés de la scolarité primaire. J'en veux pour preuve que la typographie des textes commence par des caractères très grands pour se réduire au fil de l'avancée des pages. Cette progression dans la typographie est sensée accompagner le jeune lecteur dans sa découverte des plaisirs de lire. Aucune image ne vient agrémenter la publication !

En fait de plaisir de la lecture, il est intéressant de parcourir la table des textes. Une rapide typologie permet de classer le sujet de ces textes ainsi :

  • Beaucoup de textes concernent la religion ("Prière de l'enfant pour obtenir la sagesse", "Présence de Dieu", "Saint Jean Népomucène"...) cela jusqu'aux derniers textes du livre que sont les "Prières durant la Sainte Messe" et "Actes de foi, d'espérance et de charité".
  • La plupart des textes visent à éduquer, à montrer le droit chemin. Ils s'inspirent de sentences bien pensantes. En témoignent des titres comme "Un bon cœur trouve toujours l'occasion de faire le bien", "l'enfant content de son sort" ou "Devoirs envers les parents". La morale est toujours très présente.
  • Certains textes s'inscrivent dans la vie moderne. Puisque le nouveau franc suisse tel que nous le connaissons a été frappé pour la première fois en 1850, il n'est pas étonnant de trouver le texte intitulé "Des nouvelles monnaies en Suisse" où il est dit : "Ce nouveau système monétaire est de beaucoup préférable à l'ancien : il est le même pour tous les cantons..."
  • Par contre, l'usage du timbre-poste qui vient à peine de faire son apparition (premier timbre suisse à Zürich, 1843) n'est pas encore entré dans les mœurs puisqu'on n'en parle même pas. La seule recommandation faite concerne la fermeture des lettres : "Pour cacheter la lettre, on se sert généralement d'une oublie; cependant, il est plus poli, quand on écrit à des personnes de distinction, d'employer de la cire : elle doit être noire, quand on écrit à quelqu'un qui est en deuil, ou lorsque la personne qui l'écrit l'est elle-même."
  • On ne s'étonnera pas de ne trouver aucun texte relatif au système métrique puisqu'il ne sera introduit en Suisse qu'en 1875.
  • Parallèlement à la volonté d'éduquer se trouve aussi très présente dans ce corpus la volonté d'instruire. Ainsi, toute une série de textes concernent les phénomènes météorologiques et la géographie en général. Il y a aussi des textes concernant la science, par exemple "l'air" mais très peu de textes au sujet de l'histoire, à part la célébration de héros "Bataille de Sempach (Arnold de Winkelried)" et la "Réconciliation de Stanz [!] (Nicolas de Flue)"

Dit un peu abruptement, ça ne rigole pas dans les classes valaisannes de cette époque ! A peine venu au monde, l'enfant doit se conformer en tout point à ce qu'on attend de lui. Il sera "content de son sort", montrera de "l'obéissance", de "la reconnaissance" et de la "sagesse", pratiquera "la dévotion à la Sainte Vierge", s'inspirera des "Maximes et réflexions morales", sera "l'homme qui sait lire et écrire" et, au bout d'une vie de dur labeur ["Il faut travailler, petit enfant, car tout travaille autour de toi, et aucun être au monde n'est inactif"], gagnera enfin "l'éternité". Le programme de toute une vie est décrit par le menu dans ce premier livre de lecture.

Il n'est pas étonnant que la plupart des photographies (voir 1, 2 et 3) nous montrent des enfants aux visages graves et la plupart du temps fermés. L'heure n'est pas à la franche rigolade. D'autres temps viendront...

voir aussi :

Vous devez être connecté/-e pour ajouter un commentaire
Pas de commentaire pour l'instant!