Dans un marché aux puces, je suis tombé sur ce délicieux

"Nouvel Almanach [du Vallais] pour l'année bissextile 1768 contenant des observations astronomiques sur tous les mois de l'année, comme aussi les foires du pays et de la Suisse.
Exactement calculé au Méridien de Sion et du Vallais "

Publié à Sion chez Sebastien Naterer en 1768.

• Le grand intérêt de ce document réside dans le fait qu'il a servi à un négociant à noter au jour le jour l'inventaire précis de toutes ses activités commerciales.

L'almanach commence d'ailleurs par ces mots:

"Le jour et fête des innocents 1767, j'ay engagé Josehta Grillet de Châtel en Savoye pour l'an 1768. Luy ai promis 20 (10?) Baz petit d'argent et 2 pers soulliers, 2 chemises et 2 tabliers."

La lecture de ces pages est riche d'intérêt. Elle nous renseigne aussi sur les titres des livres vendus en Valais à cette époque (le négociant était aussi libraire).

A l'époque, les almanachs servaient donc aussi d'agendas. De nombreuses pages vierges permettaient à son propriétaire de noter toutes sortes d'informations.
Lorsqu'une affaire était réglée, le texte était biffé.

La partie imprimée faisait l'inventaire des foires (par exemple la foire Ste-Catherine de Sierre était annoncée le vendredi 25 novembre 1768. Elle a d'ailleurs toujours lieu le dernier week-end de novembre).

Un "discours général sur la disposition, et fertilité de la terre" détaille, saison après saison le temps qu'il fera, tout en sachant que la "lune [est] régente de cette année".

Le "catalogue du haut & très vénérable clergé du Vallais" placé sous la haute autorité de "Monseigneur l'Illustrissime et Reverendissime FRANCOIS FREDERIC de AMBUEL, Evéque de Sion, Comte & Préfait du haut & bas Vallais, Prince du Saint Empire Romain" conclut cet almanach.

Ce document précise les phases de la lune et explique les signes que l'on peut lire à côté de chaque jour, quand il convient de couper les ongles, quand il est bon de tondre, de semer ou de planter...

Voici le détail d'un mois :

et la signification des signes:

Ce document précise aussi quel jour il est bon ou non de saigner. Par contre, il ne précise pas s'il s'agit de bétail ou d'être humain...

Belle évocation d’Hélène Zufferey

On m'a dit, de sources diverses, que le paysan appliquait l'enseignement de ses pères, pour avoir récolte à son gré. Les femmes choisissent le jour de la Saint-Pierre, sous le signe du taureau pour planter leurs choux. Les dictons qui se répétaient de père en fils sont devenus des croyances fermes et on consulte l'almanach du Messager boiteux pour connaître l'état de la lune et du temps à venir.

• Mars sec et chaud remplit caves et tonneaux.
• A la Sainte-Agathe, sème ton oignon, fût-il dans la glace. ( 5 février)
• Taille tôt, taille tard, rien ne vaut la taille de mars.
• La lune pâle fait la pluie et la tourmente, l'argentine temps clair et la rougeâtre vente.

« Au premier quartier de la lune, disait une grand-mère à son petit-fils, obéis pour éviter la férule ! » Les Lucquérands ne déménagent jamais le 2 novembre qui est le jour des âmes du Purgatoire. Ils prient pour elles ce jour-là, pour ne pas les rencontrer sur le chemin. Les veillées d'hiver sont toujours les mêmes : histoires de revenants pour faire peur aux enfants qui se rassurent en mangeant des crotchettes, les grands-mères filent, les hommes tressent des hottes ou jouent aux cartes en faisant beaucoup de bruit.

© Hélène Zufferey, Simon l’Anniviard, 2018, Editions Favre ; pages 174-175