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G. MAHLER, Symph.1 (Titan), CGOA, P. KLECKI, Montreux, 13.09.1959

13 septembre 1959
Radio Télévision Suisse
René Gagnaux

Pour une courte description de l'oeuvre voir le descriptif de ce fichier, avec l'enregistrement que Paul KLETZKI a fait pour le disque en avril/mai 1954, Orchestre Philharmonique d'Israël.

Montreux 1959 Gazette Lausanne 08 08 1959 p3 Programme d'ensemble du Festival de Montreux 1959

Nous retrouvons ici Paul KLETZKI cinq ans plus tard dirigeant la même oeuvre, mais avec un tout autre orchestre: le dimanche 13 septembre 1959, au Septembre Musical de Montreux, Paul KLETZKI dirigeait l'Orchestre royal du Concertgebouw (Koninklijk Concertgebouworkest) avec Claudio Arrau en soliste dans la première partie du concert (2e concerto de Brahms).

La deuxième partie de ce concert était consacrée à la 1ère symphonie de Gustav Mahler: Paul Kletzki a été l'un des premiers ardents défendeurs de la musique de Mahler, qui n'était alors que peu connue.

Les compte-rendus du concert sont assez amusants à comparer, suivant que le chroniqueur appréciait, ou bien pas, les oeuvres de Mahler. Deux exemples avec la chronique de "R.D" dans la Gazette de Lausanne, aimant Mahler, et celle de "Ami Ch." dans le Journal de Genève, appartenant au "camp opposé"...

Le camp aimant Mahler...

<a href=""></a>"[...] révélait au public une symphonie de Mahler, dont le génie est encore si injustement méconnu en Suisse romande. Entreprise audacieuse dont il convient de féliciter les organisateurs du Festival de Montreux. Le succès couronna leur effort. En effet, la Première symphonie de Mahler remporta un accueil triomphal et le public acclama longuement Paul Klecki et l'Orchestre du Concertgebouw.

Le style de Mahler, à la fois tourmenté, vibrant et impérieux est puissamment original et son influence fut décisive sur de nombreux compositeurs du vingtième siècle, notamment Schoenberg et les dodécaphonistes. Les énormes dimensions des symphonies de l'auteur des Kindertotenlieder ont longtemps rebuté le public latin. Il est temps aujourd'hui de leur faire, ainsi qu'à celles de Bruckner, une place d'honneur dans nos programmes de concert. L'oeuvre de Mahler est trop essentielle pour qu'il soit permis de l'ignorer plus longtemps. Il convient de remercier Paul Klecki et les musiciens de l'orchestre du Concertgebouw d'avoir initié le public à un art qui sera demain, nous en sommes convaincus, aussi familier aux auditeurs des concerts symphoniques que les symphonies de Brahms.

La symphonie Le Titan est une excellente initiation pour des mélomanes encore peu rompus aux figures de style de Mahler. L'auteur avait vingt-huit ans lorsqu'il l'acheva. Elle présente, sous une forme assez directement accessible, quelques-uns de ces traits essentiels que l'auteur développera plus tard, dans les symphonies de la maturité.

Les premières mesures évoquent assez curieusement l'atmosphère de plusieurs symphonies de Beethoven, notamment les tenues et la cellule rythmique de la Neuvième (elles ont inspiré tant d'auteurs, dont Bruckner), l'introduction de la Quatrième (allusion frappante si l'on fait abstraction des sonneries de trompettes). L'Allegro initial rappelle, sur certains points, la Pastorale. Peu à peu le développement s'élève, atteint au paroxysme. Alors éclate l'un de ces passages brusques et déchirants (tels que l'on en trouvera dans le dernier mouvement de la symphonie). Art complexe. bouillonnant et frénétique dont les Cinquième et Septièmes symphonies de l'auteur seront de saisissants exemples.
Autre fait bien frappant et caractéristique: la marche solide, inaltérable des basses qui prêtent à l'ensemble une puissante ossature.

Dans le Scherzo l'orchestre, à la fois truculent et scintillant développe une sorte de chant populaire, où l'allégresse de la phrase est rompue parfois, assez étrangement, par de brusques et violentes dissonances. Le paisible Trio présente un autre aspect du chant populaire, vivifié par les vertus de l'art.

Le troisième mouvement exprime, en une lente progression, le canon de Frère Jacques dans le mode mineur. Mahler y affirme un sens presque envoûtant de l'incantation.

Le Finale éclate en un déchaînement de cuivres et de percussion, ponctué de coupures aux rythmes étonnants, où l'harmonie donne réellement l'impression de se dissoudre. Soulignons, à la fin de l'oeuvre, la reprise de l'Adagio initial et du premier Allegro.

Mahler unit curieusement dans certaines parties de sa symphonie, le ton de la confidence et celui de la sauvagerie. L'ensemble est ordonnée par un architecte, en dépit de l'exubérance de l'accent. L'orchestration révèle déjà l'expérience du chef d'orchestre. Si elle exige un orchestre tentaculaire elle ne donne jamais le sentiment de l'écrasement. Mahler enfin enchaîne avec la plus grande finesse les instruments solos entre eux.

Paul Klecki présenta une version éblouissante de cette symphonie, dont il construisit le discours avec une superbe autorité. Il souligna le lyrisme expressif des passages de détente avec sensibilité et intelligence et exposa les progressions rythmiques des allegros avec un éclat irrésistible. [...] Cité de la chronique de "R.D" publiée dans la Gazette de Lausanne du 15 septembre 1959 en page 5

Le camp opposé...

"[...] salle comble, en admiration devant l'orchestre, transportée par le chef et intéressée, sinon conquise par l'oeuvre - car le mérite des organisateurs ne saurait être diminué par le jugement que l'objectivité va nous obliger à porter sur cette dernière.

En écoutant cette «1re Symphonie», nous comprenions que Vincent d'Indy - certes dur, comme toujours, envers les musiciens autres que Beethoven, Wagner et lui-même - ait pu écrire que la musique de Mahler «relevait du caf' conc' bien plutôt que de la salle de concerts». Et encore d'Indy, décidément méchant, articula-t-il ce jugement au sujet de la «4me Symphonie», où Mahler fait souvent preuve d'une inspiration très élevée, à la Tristan. Mais la «lre Symphonie» !... Qui peut accepter sérieusement cette interminable rapsodie de lieux communs, vraie musique de cinéma avant la lettre, où l'on passe du coucou de la Forêt-Noire aux valses hésitations et aux hongroiseries, pour ne pas parler de cet infantile andante sur le canon de «Maître Jacques, dormez-vous?», noté tel que les enfants le chantent à l'école? Qui ne sera pas irrité par ce finale où dix fois, vingt fois, un accord annonce la cadence terminale, mais où tout continue, le musicien vous racontant n'importe quoi, comme ces gens qui, la main sur la porte de l'ascenseur, n'ont jamais fini de vous dire au revoir sans remarquer que vous tombez de sommeil.

Mahler nourrissait un besoin insatiable de tout savoir, de tout connaître. Sa curiosité philosophique, ses lectures théologiques, mythologiques, son goût pour l'époque médiévale, tout cela faisait de lui un esprit universel. Regrettons qu'il n'ait pas été, en quelque sorte, moins intelligent, et que ses préoccupations ne se soient pas circonscrites davantage à la musique, ce qui l'eût rendu capable d'autocritique et l'eût mis aussi à l'abri d'un incroyable mauvais goût.

Plus encore que Bruckner, dont on entendit la «IXe Symphonie» à Lucerne, Mahler aurait dû naître cent ans plus tôt. Alors, il n'aurait pas été obsédé par le besoin de faire aussi colossal que Wagner; il n'aurait pas été intoxiqué par un romantisme musical inexprimable autrement qu'avec un orchestre pléthorique. Il orchestrait du reste avec une adresse surprenante (il fut un des meilleurs chefs de son temps), trouvant souvent des combinaisons sonores audacieuses. Mais cette technique ne s'accordait pas aux idées du musicien, idées qui, du temps de Haydn, auraient fait de Mahler un excellent petit-maître. Tandis qu'après Wagner... «Malheur (sans jeu de mots) à qui dit tout ce qu'il peut dire!» proclamait Jules Lemaître. Fauré, Debussy, Ravel allaient trouver «le temps de faire court».

Mais quelle maîtrise souveraine dans la manière de construire (si l'on peut dire) ces pages composites, hybrides! Quelle vie prodigieuse, quelle ardente chaleur, quelle foi, celles de Paul Klecki interprétant, à la tête du splendide Orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam, cette musique en y mettant pour finir - style, qualité de l'invention - ce dont elle est strictement dépourvue! [...]" Cité de la chronique de "Ami Ch." publiée dans le Journal de Genève du 17 septembre 1959 en page 10

À souligner: ces deux compte-rendus sont accessibles grâce à l'admirable banque de données du quotidien Le Temps permettant de rechercher dans les archives de la Gazette de Lausanne et du Journal de Genève, et ceci sur les 200 ans passés!!

Le concert fut retransmis en différé le 18 octobre suivant sur le second programme de la Radio Suisse Romande, de 15:15 à 17:10 dans le concert du dimanche après-midi (Ref.: Gazette de Lausanne des 17/18 octobre 1959, page 3).

Paul Kletzki fait une pause normale entre les 1er et 2e mouvements, par contre des pauses très courtes entre les mouvements suivants, à peine une seconde.

Voici donc...

Gustav Mahler, Symphonie No. 1 en ré majeur, Orchestre royal du Concertgebouw (Koninklijk Concertgebouworkest), Paul Kletzki, 13 septembre 1959, Septembre Musical, Montreux

  1. Langsam. Schleppend 14:26
    2. Kräftig bewegt, doch nicht zu schnell 08:31
    3. Feierlich und gemessen, ohne zu schleppen 11:16
    4. Stürmisch bewegt 18:36
    5. Applaudissements 01:09

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Radiodiffusion (Archives Radio Suisse Romande (RSR)) -> WAV -> MP3 320 kbps

Pour les fichiers en format FLAC, des photos et plus d'infos voir cette page de mon site.

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René Gagnaux
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8 mai 2016
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