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Pierre Favarger,  autoportrait d'un Neuchâtelois libéral.

Pierre Favarger, autoportrait d'un Neuchâtelois libéral.

1 janvier 1916
Emile Borel
Laurent de Weck

Pierre Favarger (1875-1956) écrit peu après la Première Guerre mondiale ce portrait de lui-même, qui ne saurait mieux illustrer cette photographie de 1916:

"Pierre Favarger est né le 21 juin 1875 d'une ancienne famille du pays de Neuchâtel qui a joué un rôle en vue dans la magistrature et le gouvernement sous le règne des Orléans-Longueville. Elle fut exclue des affaires publiques dès l'avènement des rois de Prusse en 1707, comme étant trop attachée à la France et au parti du candidat français au trône, le Prince de Conti.

Docteur en droit dès 1900, M. Favarger, après un court stage dans l'administration fédérale, pratique le barreau dans la ville de Neuchâtel. Député au Grand Conseil (qui est le Parlement de la République et Canton de Neuchâtel), il est un des représentants les plus actifs du parti libéral et a toujours combattu avec énergie, et souvent avec succès, les tendances socialistes dont les partisans lui ont voué une vive inimitié. Conseiller général, M. Favarger a été, en 1920-21, Président du Conseil Général de la ville de Neuchâtel.

Petit-fils d'historien, M. Favarger consacre à l'étude de l'histoire de son pays les quelques loisirs que lui laissent la politique et l'exercice de sa profession. Il travaille à une histoire de la principauté de Neuchâtel sous les derniers Orléans-Longueville. Il a réuni en outre sur l'histoire de la candidature du Prince de Conti au trône de Neuchâtel des documents inédits du plus haut intérêt, dont l'importance dépasse de beaucoup le cadre de l'histoire locale. Membre du Comité de rédaction de la revue d'histoire, le "Musée neuchâtelois", il y a publié des études historiques sur les sujets les plus variés.

Protestant tolérant, élevé par une mère catholique, M. Favarger jouit de l'estime spéciale de la minorité catholique dont il a souvent défendu les intérêts au sein du Parlement neuchâtelois.

De culture essentiellement latine, grand admirateur de la France, pays d'origine de trois de ses aïeux, M. Favarger n'a cessé de dénoncer et de combattre, dès le début de la guerre, les tendances germanophiles des milieux gouvernementaux suisses, comme il a flagellé en toute occasion, par la plume et la parole, la notion lâche et honteuse, inventée à Berne, de la "neutralité morale". Il a combattu pour le droit et la vérité aux côtés des Albert Bonnard, des Édouard Secretan, des Benjamin Vallotton, des Philippe Godet, qui furent en Suisse romande les champions de la cause alliée, du triomphe de laquelle dépendait, à leurs yeux, le salut de la Suisse. Il a pris part, durant toute cette période, aux campagnes de propagande destinées à saper l'influence allemande en Suisse.

En juillet 1915, il plaidait devant le Tribunal correctionnel de Neuchâtel une cause retentissante dans laquelle le Comité directeur de la Croix Rouge allemande était plaignant. Il remporta un brillant succès dans cette affaire, qui fit le tour de la presse suisse et étrangère.

Au début de 1916, il fut l'un des sept députés de la Suisse romande qui obligèrent le Conseil fédéral à agir dans l'affaire dite des deux colonels d'État-major suisse qui, on s'en souvient, renseignaient l'État-major allemand sur les opérations de l'armée française. Cette intervention, qui eut lieu à un tournant dangereux de la politique suisse, valut à ses promoteurs les témoignages d'estime et de gratitude de la Suisse romande unanime, auxquels se joignirent ceux de la presse française.

En novembre 1916, il fit voter au Parlement neuchâtelois une motion officielle de protestation contre les déportations de civils français et belges en Allemagne et inaugura en cette circonstance une procédure parlementaire inédite et hardie.

Il coopéra la même année à la fondation à Lausanne de la Ligue patriotique romande, destinée à lutter sur le terrain fédéral contre l'emprise et les conceptions politiques germaniques.

En résumé, dans sa vie publique, fidèle à l'idéal français et latin, M. Favarger a travaillé à la restauration de la tradition loyale d'une Suisse amie de la France.

Dans le domaine de la philanthropie de guerre, M. Favarger s'est occupé avec dévouement de l'œuvre de secours aux réfugiés belges, qui hospitalisa sur le sol neuchâtelois plusieurs centaines de fugitifs. Cette activité lui a valu la croix d'officier de l'ordre belge de la Couronne. Il a fondé avec quelques amis une œuvre de secours aux enfants serbes, qui entretint pendant la guerre une cinquantaine de petits réfugiés de Serbie. Le gouvernement de ce pays a décerné à M. Favarger les insignes de l'ordre de Saint-Sava.

Son nom n'a pas figuré dans la liste des récompenses décernées par la France aux Suisses et ses amis ont pu s'étonner de cette omission attribuable à la modestie du candidat et à l'absence de démarche faites en sa faveur. Il n'a pas, comme d'autres, eu l'avantage d'être recommandé aux milieux influents et s'est laissé distancer par certains concitoyens, dont la promotion dans l'ordre de la Légion d'honneur a suscité quelque étonnement dans leur pays d'origine.

Et cependant, M. Favarger a compté dans sa parenté française et suisse plusieurs membres de la Légion d'honneur, parmi lesquels on peut citer feu le général Eugène Daumas, sénateur, commandant de la XIVe division à Bordeaux, feu M. Théodore Favarger, directeur des Établissements Hotchkiss, à Saint-Denis et M. Charles Gros, qui fut de son vivant maire de la ville de Pontarlier."

P. F.

Sources: Archives de l'État de Neuchâtel, Fonds Favarger.

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Laurent de Weck
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11 septembre 2013
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