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Antarctique (8) Une promenade sur un glacier

1 octobre 1902
Snow Hill Antarctique
Erik Ekelöf (1875-1936)
Monique Ekelof-Gapany

Une promenade sur le glacier de Snow Hill.

Ce matin du 10 octobre 1902 à Snow Hill on se réveille saisi de fourmillements dans tout le corps. C'est une journée de printemps. Le thermomètre indique zéro degré et le soleil est éblouissant.

Dans la cabane c'est le dégel. Le long des parois, dans les encoignures, sous les châlits et les tables la glace accumulée depuis plusieurs mois en croûte compacte et sale fond lentement. Elle transforme la hutte en un cloaque. Du grenier pleuvent des gouttes d'eau mêlées à des substances dont on cherche à identifier la provenance. Ici, c'est une bouteille d'encre, là, une bouteille de Bordeaux, éclatées sous le gel. On s'active au nettoyage. On sèche au soleil livres et vêtements dévorés par les moisissures.

Dans l'après-midi, Erik, se promène, à la recherche d'échantillons bactériologiques. Il choisit cette fois de passer par les hauteurs du glacier. De là, il serait le premier à distinguer le retour de l'Antarctic, espérée d'un jour à l'autre.

Un sac à dos et un bâton de ski de bambou à la main il gravit les moraines qui bordent le glacier. Il enjambe avec précaution de nombreuses failles recouvertes de neige. Après une forte grimpée, il atteint enfin le plateau glaciaire où s'étendent des surfaces libres de neige. Devant lui gambadent les chiots Narva et Charlotte. Erik les suit en forçant un peu le pas. Soudain, sous ses pieds le sol se dérobe. Erik s'enfonce dans un pont de neige jusqu'aux aisselles et se retrouve gesticulant, les pieds pendus dans le vide. Choqué, il balance ses jambes en tous sens. Son pied droit rencontre soudain une certaine résistance derrière lui. Cette aspérité dans la paroi résiste à son poids mais la langue de glace est étroite. Seul un pied peut s'y maintenir. Au-dessous de lui le gouffre, surpris dans son sommeil, baille et jette des lueurs sinistres.

Dessin Erik Ekelöf, octobre 1902

-Combien de temps ai-je passé ainsi sur le vide, je ne saurai le dire mais petit à petit, je compris que ma vie ne tenait qu'à un fil et que je n'avais pas de choix quant au moyen à mettre en œuvre pour m'en sortir. Comme le pont neigeux semblait céder de plus en plus sous mon poids, je plantais mon bâton de ski dans une position horizontale dans le pont neigeux , je plaçais ma jambe qui pendait dans le vide contre la paroi glacée et je me jetais à l'arrière, sur le glacier, d'un coup de rein dont en temps ordinaires je n'aurais pas été capable.

Dessin Erik Ekelöf, octobre 1902

L'instant d'après, je me trouvais couché, le dos sur le glacier, les jambes encore pendantes dans la crevasse. Puis la réaction se manifesta. Je m'effondrais sur le glacier les jambes tremblantes. Encore quelques heures plus tard, je me sentais tremblotant, bien que je n'aie eu aucun dommage.

D'après des extraits du Journal d'Erik Ekelöf

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  • Claire Bärtschi-Flohr

    Bonjour et merci. J'ai lu tous vos articles sur l'Antarctique : ils sont passionnants. Ce dernier article m'a rappelé le roman étrange, fascinant, déjanté de Blaise Cendrars : Dan Yack. En particulier les chapitres où quatre farfelus vivent sur une île de l'Antarctique.... jusqu'à extinction presque totale... Savez-vous que Blaise Cendrars est né à La Chaux-de-Fonds ? Les chaux-de-fonniers en sont très fiers.

Monique Ekelof-Gapany
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15 mai 2015
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