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7 - Telvetia et séries TV

29 avril 2015
René Schenker - Michel Canello - Pierre Matteuzzi
Les archives de la RTS

**par René Schenker - Michel Canello - Pierre Matteuzzi

** Scène de tournage de la série TV La pêche miraculeuse avec Capucine et Jean-François Garreaud sous la direction de Pierre Matteuzzi (1975).
A la fin des années soixante, les programmes TV ont fait une place de choix aux feuilletons et séries tournés en décors naturels. Pour ne pas rater ce développement, René Schenker, directeur TSR et Michel Canello, directeur de Telfrance, ont créé à Genève TELVETIA, une société mixte pour tourner des séries TV en Suisse. Ils racontent dans ce chapitre cette aventure.

Puis Pierre Matteuzzi, réalisateur, décrit le travail et la vie des tournages de Telvetia et aussi la réalisation d'un grand feuilleton, La Pêche Miraculeuse, tourné avec un autre producteur français.

Ce dossier est complété par la liste avec photos des films produits par Telvetia.

Création de Telvetia

Par René Schenker, directeur TSR

Chaque spectateur se rappelle probablement que la plupart des séries diffusées par la TSR, à raison d'un épisode par semaine ou par mois, étaient produites par des compagnies américaines ou françaises. Pour celles-là et indépendemmant de l'intrigue, on se retrouvait dans des décors français, avec des voitures françaises, des bâtiments et monuments parisiens, des acteurs français, etc.

En 1960, je me suis rendu à Paris pour rencontrer quelques unes des sociétés françaises de production : Pathé-Cinéma, Gaumont, Actualités Françaises et d'autres plus petites comme Telfrance.

Chaque fois j'étais reçu d'une manière aimable par les représentants de ces compagnies, mais le « petit Suisse » qui souhaitait trouver des moyens de coproduire ou tenter de produire en Suisse dans d'autres décors et avec d'autres comédiens se heurtait à des difficultés souvent paraît-il d'ordre syndical. Les plus importantes compagnies françaises n'y trouvaient pratiquement aucun intérêt et me remerciaient gentiment, généralement après un délicieux déjeuner, en m'assurant qu'elles seraient prêtes à nous louer des séries, des films et des productions diverses mais qu'elles ne pouvaient pas songer à collaborer étroitement avec la TV suisse.

La dernière société que je devais visiter, Telfrance, était dirigée par Michel Canello qui m'écouta avec beaucoup d'intérêt et qui me dit qu'il était intéressé à trouver une forme de collaboration avec la TSR. Après de nombreuses séances tant à Paris, à Berne avec la Direction Générale SSR et à Zürich avec le directeur de la TV Suisse, il a été décidé de créer à Genève Telvetia, une société franco-suisse pour réaliser en coproduction des films pour la télévision ou la publicité.

Des accords de coproduction avec la première chaîne française puis avec la seconde et parfois avec d'autres chaînes francophones, ont permis à Telvetia de travailler utilement à côté de la TSR. Enfin nous avions des décors de notre pays et un certain nombre d'acteurs suisses dans les distributions. Mais peu à peu, les prix des productions augmentaient et il devenait de plus en plus difficile de trouver en Suisse un financement suffisant pour intéresser les partenaires à la coproduction.

Il faut également souligner que l'absence d'industrie cinématographique dans notre pays a été un obstacle, car il n'y avait pas de personnel qualifié pour participer aux coproductions faites en Suisse et qu'il a fallu faire appel soit aux meilleurs collaborateurs de la TV suisse soit à des spécialistes venus de Paris qui étaient obligés de se déplacer pendant plusieurs semianes en Suisse, ce qui coûtait fort cher.

La difficulté majeure queTelvetia a rencontrés était de trouver de véritables auteurs qui écrivent pour la télévision. Notre pays n'avait que peu d'auteurs qui s'y intéressaient. Après 1992, Telvetia a cessé ses activités pour diverses raisons économiques et politiques.

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Telvetia, une aventure exceptionnelle

Par Michel Canello, directeur Telfrance

Pendant vingt-cinq ans (1967-1992), un partenariat à égalité entre la SSR et une société française a produit en Suisse plus de deux cents heures de fiction. Constatant que la Suisse était rarement présente dans la fiction, alors que dans les reportages et les magazines, ses journalistes cumulaient les lauriers, la direction générale de la SSR décida de créer un filiale pour en produire en Suisse et en garder le contrôle éditorial tout en donnant à cette nouvelle structure les avantages d'un producteur libre.

De 1968 à 1991, Telvetia, dirigée par André Rosat, produisit en Suisse une moyenne de deux séries de fiction par an, atteignant ainsi tous les objectifs qui avaient été fixés au départ : montrer le pays et ses coutumes, faire travailler ses réalisateurs et des acteurs, faire payer par l'étranger la majorité du coût des téléfilms, être connu en Europe.

Ce fut une époque extraordinaire. Il y eut très rapidement une confiance totale entre Suisses et Français. Les choses les plus difficiles étaient dénouées en quelques coups de fil : soit à Berne par une direction générale composée de trois hommes remarquables, Marcel Bezençon, Domenic Carl, Edouard Haas, chacun si différent mais si utile, et par un directeur régional, René Schenker, totalement disponible pour les producteurs tant il désirait que ses téléspectateurs et ceux de l'étranger voient des histoires qui se passaient en Suisse.

Avec quatre hommes aussi exceptionnels il n'y avait pas de formalisme. Les problèmes étaient vite réglés, les uns après les autres et le résultat était là : dix ans après sa création, Telvetia était une des premières société de production en Europe, connue et respectée par tous. Après diffusion dans le monde entier de Heidi, le but était atteint.

Dès le milieu des années 1970, la Suisse paraissait être un lieu privilégié pour une télévision qui devenait de plus en plus européenne. Une position géographique centrale, trois langues parlées, une immense audience dans toutes les instance internationales, l'UER à Genève, faisaient d'elle le pays tout désigné pour lancer le premier satellite européen. Malheureusement Marcel Bezençon n'était plus là pour bousculer les conseillers fédéraux ou l'administratin PTT avec des remarques parfois féroces, et pendant que le temps passait, le Luxembourg pris la place qui aurait dû être celle de la Suisse et dans laquelle Telvetia aurait eu son utilité.

Commença alors le temps des égoïsmes à courte vue. Les régions voulaient leur indépendance, les producteurs de cinéma l'exclusivité des aides de Berne, la remarquable santé de Telvetia rendait jaloux des prestataires de services imprudemment endettés, les querelles de clocher rendaient impossibles des accords sur les grands sujets et on parlait de plus en plus « région » et de moins en moins programmes suisses pour toute l'Europe continentale.

Dès 1990, il est clair queTelvetia n'avait plus sa raison d'être.

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Telvetia en activité

Par Pierre Matteuzzi

Le studio de Telvetia était situé dans l'ancien Palais des Expositions de Genève, au boulevard Carl-Vogt. Deux bureaux, des locaux pour stocker le matériel de tournage et un plateau de dimension très modeste.

Ce plateau était doté du système "Transflex" qui permettait la projection frontale de décors. Pour faire simple, le studio est équipé d'un grand écran perlé "Scotchlite" couvert de minuscules billes renvoyant exactement d'où elle vient la lumière qu'elle reçoit.

Le projecteur envoie son image du décor par le biais d'un miroir semi-réfléchissant placé devant l'objectif de la caméra. Le système implique que la caméra et le projecteur soient rigoureusement fixés au sol. Au niveau de la réalisation, cette installation ne supporte aucun mouvement de caméra. Pour changer de cadre on ne déplace donc pas la caméra mais on déplace les comédiens en fonction de la caméra.

Si l'on veut changer d'axe (par exemple tourner un contrechamp), il faut changer la photo dans le projecteur et changer la position du comédien en fonction du cadre souhaité. Enfin, dernier inconvénient, seul le cadreur voit la composante décor-comédien dans son objectif.

Sur le plateau, on ne voit rien. L'éclairage de la scène, plus puissant que le faisceau du projecteur, gomme complètement le décor et sa projection sur les comédiens. Evidemment c'est un peu frustrant pour les acteurs qui sont obligés de repérer leurs places par des marques au sol.

Grâce à ce procédé très simple on peut se contenter de décors uniquement photographiques. Pour de petites productions, ce système est très économique.

Exemple: une scène représentant un évêque, dans sa cathédrale, à genoux sur un prie-Dieu. Un cliché du chœur d'une belle église, un prie-Dieu posé devant l'écran et le tour est joué. Si l'on veut un contre-champ, on retourne le prie-Dieu et l'on place un autre cliché montrant l'autre partie de l'église. Pour des scènes à plusieurs personnages autour d'une table le travail est plus compliqué et demande une minutieuse préparation.

On peut aussi projeter un paysage mais alors la scène ne doit pas être trop longue car on s'aperçoit très vite que rien ne bouge dans le décor.

Une équipe franco-suisse

L'équipe de Telvetia comprenait, outre son directeur André Rosat et sa secrétaire, une équipe technique de base et des techniciens suisses et français engagés au cachet. Malgré les facilités du Transflex, on tournait surtout en extérieurs et décors naturels.

Jean-Luc Girardet, le chef technique, avait équipé une camionnette d'une génératrice qui nous donnait une totale indépendance du point de vue des éclairages. Nous tournions en pellicule noir-blanc et son synchrone. J'ai surtout travaillé avec Paul Girard au son, Igaal Niddam à la caméra et le directeur de production Henri Lacombe.

Tourner vite

La production d'un feuilleton n'avait rien à voir avec celle d'un film pour le cinéma. Tout était organisé pour que l'on tourne vite et à peu de frais. On imposait aux auteurs une série de limitations dont ils devaient absolument tenir compte: le nombre d'acteurs principaux, d'acteurs de rôles secondaires et de figurants. Le pourcentage de scènes d'intérieurs et d'extérieurs. Eviter les scènes de nuit. Limiter les scènes d'accidents, de cascades. Il est arrivé que la préparation du film se fasse avant l'écriture complète du scénario.

Quant aux moyens techniques, il fallait vraiment se battre pour obtenir, par exemple, l'usage d'un travelling un jour ou deux ! Tout était tourné en son direct. Ce n'est que pour une ou deux scènes dans un milieu très bruyant qu'on pouvait espérer une journée de postsynchronisation à Paris.

Par contre, ces films bénéficiaient toujours d'une musique originale pour des questions de droit et surtout parce qu'elles étaient payées par un éditeur !

Bref, il fallait travailler très vite et bien à tous les échelons.

Le plan de travail était élaboré de façon à ce que tous les moyens soient utilisés au maximum et de façon très rationnelle. Par exemple lorsque qu'un personnage, tout au long de son histoire, entrait et sortait d'un même immeuble, on tournait toutes ces entrées et sorties un même jour. Gros travail pour la scripte qui devait veiller à ce que la tenue du comédien et son attitude correspondent bien à la scène principale.

Les réalisateurs

Telvetia engageait évidemment des réalisateurs suisses mais la masse de production était telle que le réservoir helvétique ne suffisait pas et que beaucoup de réalisateurs Français sont venus tourner en Suisse Romande dont Jacques Doillon et Philippe Lefebvre.

Les premiers feuilletons ont été tournés par les réalisateurs suisses Raymond Barrat, Paul Siegrist, Robert Gilloz, hélas tous décédés aujourd'hui !

Le grand succès de Telvetia a été le feuilleton en seize épisodes de 26 minutes' Heidi réalisé par Tony Flaadt et coproduit en allemand par SRG et ZDF. Les deux petits acteurs Katia Polletin et Stefan Apargaus avec René Deltgen, le grand père ont marqué cette série doublée en français.Une autre réussite de Telvetia fut la série Guerre en pays neutre sur un scénario de Drago Arsenjevic réalisée par Philippe Lefebvre avec Anna Prucnal et Jacques Denis dans le rôle principal de l'espion du KGB Lazlo Nagy.

Telvetia produisait aussi parfois des longs métrages. Personnellement j'ai retrouvé quelques notes de ce que j'ai tourné. Quelques photos aussi et des Polaroïds de scriptes. (Les scriptes utilisaient beaucoup l'appareil Polaroïd car cela prenait beaucoup moins de temps de tirer une photo que de noter par écrit minutieusement les détails de la tenue vestimentaire d'un comédien et sa place dans le décor).

Mes quelques souvenirs

Premier feuilleton, Un soir chez Norris, scénario de René Roulet. Il s'agissait de 3o épisodes de 15 minutes diffusés tous les jours (sauf dimanche et lundi) à partir du 23 mars 1971 sur la TSR et sur France Télévision.

Acteurs principaux: Madeleine Robinson, José-Luis de Villalonga. Edith Garnier, Charles David, Jean Vinci, Marcel Ihmof. Musique de Pierre Cavalli qui sera éditée en CD.

Je ne me souviens pas du scénario sinon que je ne l'aimais pas beaucoup mais comme tout le monde s'est donné beaucoup de peine, la revue Télé 7 jours a sacré cette série: "Meilleur feuilleton de l'année" ce qui était une bonne chose pour Telvetia encore débutante.


Tournage d'une scène de Crise*, de gauche à droite, le réalisateur Pierre Matteuzzi, Igaal Nidam (cadreur) et Jean-Luc Girardet (chef technique).* Voir également les photos *1 - 2 - 3

Crise,* feuilleton tourné en 1975 en grande partie à Avully (Genève). Dans les rôles principaux: Michèle Grellier, Marc Michel, Nicole Dié. Tiré d'un roman de Justin Cronin, auteur américain. Ce scénario très mélo a été fort heureusement très bien adapté par un couple d'auteurs parisiens, Christinne Carrel et Jean Patrick. Bonne distribution: Joséphine Chaplin, Daniel Fillion, Manuel Bonnet, Laurence Calame. Tournage difficile, en costumes des années 30 avec tous les problèmes d'adaptation des décors et des accessoires. Acteurs excellents. Un cadeau: Joséphine Chaplin nous a régalés pendant une pause d'une désopilante imitation de son grand-père.

Cette série de 6 fois 52 minutes a été diffusée en 1977 en Suisse et sur TF1 (probablement aussi dans d'autres pays de la Francophonie). J'ai appris (mais pas vérifié) qu'elle aurait été postsynchronisée en anglais et diffusée à une TV de troupes américaines stationnées en Allemagne !

Claudine Augier et François Germond dans le tournage d'une scène de La nasse. Voir également les photos 1 - 3 - 4

La nasse. C'est le seul long-métrage que j'ai tourné pour Telvetia. Un polar assez bon, beaucoup de travail en peu de temps (19 jours de tournage!), une météo pénible, des scènes de cascades et d'accidents délicates mais le plaisir de tourner avec Bernard Fresson, artiste magnifique et Claudine Augier, ex Miss France et ex James Bond Girl, excellente, toujours de bonne humeur malgré des conditions de tournage assez difficiles.

Une scène de Un soir chez Norris, avec Madeleine Robinson et José Luis de Villalonga. Voir également les photos 1 - 3 - 4

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Liste des productions de Telvetia (1967 - 1992)

(texte à venir)

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La pêche miraculeuse

par Pierre Matteuzzi

La Pêche miraculeuse est la plus importante série coproduite en 1974-1975 par la TSR avec le producteur parisien Philippe Baraduc et la société Technisonor. Son réalisateur, Pierre Matteuzzi, résume cette aventure pour notrehistoire.ch.

Philippe Baraduc, producteur parisien indépendant à la tête de sa société Cosmovision, découvre chez un bouquiniste suisse un exemplaire du roman de Guy de Pourtalès : La Pêche Miraculeuse, édité en 1934 par Gallimard. Ce pavé de 500 pages le passionne par sa richesse et sa complexité. L'histoire se déroule en partie dans le milieu de l'aristocratie genevoise, puis à Neuchâtel et enfin sur les champs de bataille de la guerre 1914-1918, en France.

Paul, le héros de cette saga, est envoyé par son père, aristocrate fortuné, à Neuchâtel pour y parfaire ses études de lettres et de musique (piano et composition). Arrivé à l'âge adulte, en 1914, il décide d'offrir ses services à l'armée française en qualité d'interprète et il s'engage.

Il est difficile de résumer en quelques lignes une série de six fois 52 minutes mais il vaut la peine de noter que ce superbe scénario, outre les amours du héros, retrace les grandes mutations sociales amenées par la guerre dans la société genevoise. Les hommes s'enrichissent, les femmes se mobilisent, veulent gagner leur vie et leur liberté. Antoinette, un grand amour de Paul, se dévoue à la Croix-Rouge.

Ce roman est aussi partiellement autobiographique et le journal intime de Guy de Pourtalès pendant la guerre de 14-18 vient d'être édité.

Passionné par le roman, Philippe Baraduc sait que sa société Cosmovision ne peut se lancer seule dans un tel projet ambitieux de série TV coûtant plus de trois millions de francs. Il propose une co-production à la société Technisonor, important producteur parisien. Technisonor accepte et Baraduc contacte la Télévision Suisse Romande. Le sujet plaît beaucoup et la TSR le propose aux Télévisions francophones, mais le Canada et la Belgique se montrent très hésitants.

Baraduc me propose de réaliser la série et de commencer tout-de-suite la préparation sans attendre le feu vert des francophones...mais sans être pour l'instant payé ! Je prends le risque ! Après environ cinq mois de travail, les deux pays récalcitrants hésitent encore mais Technisonor décide alors d'investir la grosse somme manquant au budget ! Je récupère ma mise et peut aborder la réalisation. Adaptation

Les difficultés ne font que commencer. Rose de Pourtalès, fille de l'écrivain, voue un culte quasiment mystique à la mémoire de son père ! Elle veut bien accorder les droits d'adaptation mais à condition que François Nourrissier, un ami, en soit l'auteur. Avec Gérard Déthiollaz, assistant de production à la SSR, nous rencontrons Madame de Pourtalès et François Nourissier. Celui-ci, guère enthousiaste, refuse de s'engager. Baraduc propose alors de confier l'adaptation à Jean Herman (futur prix Goncourt) qui accepte car les droits d'auteur d'une série de six heures sont très importants. Préparation

Je ne vais pas entrer dans les détails de la préparation, mais grâce à la pugnacité de Philippe Baraduc, au carnet d'adresses et l'habileté de Gérard Déthiollaz, la préparation se déroule sans trop de problèmes. On a trouvé lepetit train d'époque et un train de grande ligne, les costumes d'époque sont loués à Paris, à Londres et viennent aussi de la TSR . L'équipe de tournage se forme avec des Suisses romands, un Suisse allemand, un Anglais, des machinistes italiens et pas mal de Parisiens. (Image: Jean Rozenbaum, cadre: Willy Rohrbach, son: Peter Begert. montage: Hélène Gagarine).

La production de cette série comprenait 75 décors, 117 rôles, 810 prestations de figurants. Les rôles principaux étaient tenus par des acteurs français mais aussi par les meilleurs comédiens romands. Gérard Louvin, mon premier assistant, était passionné de théâtre, il suivait attentivement les productions de petites troupes romandes. J'ai ainsi pu donner une chance à des amateurs semi-professionnels pour de petits rôles.

Nous avons engagé deux décorateurs, Yanko Hodgis dont j'appréciais beaucoup la créativité, le sens du détail et un décorateur parsien, D'Ovidio, spécialisé dans les décors demandant des constructions importantes : la petite maison d'un pêcheur, les tranchées de la grande guerre.

Les voitures d'époque ont été louées à un collectionneur genevois. Toutes en parfait état de marche**.** Comédiens Dans les rôles principaux : Edith Garnier (ex-sociétaire de la Comédie Française) et André Falcon également ex-sociétaire, Françoise Dorner, Jean-François Garreaud dont ce sera la première TV, Capucine, mannequin célèbre et premier rôle dans plusieurs productions américaines. Et puis, bien sûr, beaucoup de comédiens romands : Daniel Filllion, Madeleine Fournier, Gisèle Sallin, Charles Apothéloz, Jean-Pierre Althaus, Gérard Carrat, Patrick Lapp, Laurence Calame, pour ne citer que les principaux. Technique La série a été tournée en film 16mm couleur et en son direct pour 90% des scènes. Il fallait tourner cinq minutes utiles, chaque jour ! Le tournage a duré treize semaines, puis les travaux de finition, environ deux mois à Paris. J'ai eu la chance de travailler avec Hélène Gagarine, merveilleuse monteuse et son assistant. Outre la pellicule image, le montage et le mixage du son fut assez ardu. Il comprenait 17 bandes ! Les lieux

Nous avons tourné à Genève, Neuchâtel, Gruyères et en Haute Savoie. Musique

La musique joue un grand rôle dans ce film. J'en ai confié la composition à Pierre Cavalli. Il était surtout connu comme guitariste et arrangeur de variétés mais je savais qu'il était tout aussi capable d'écrire pour un orchestre symphonique que pour un big-band.

Non seulement il a composé un très beau thème qu'on retrouve tout au long des épisodes mais il a eu à se montrer très créatif dans deux problèmes. Le héros du film compose une sonate qu'il dédie à son grand amour et le scénario nous dit qu'il essaye de s'éloigner de la rigidité du classique. Pour cette composition Pierre Cavalli a écrit une sonate tendance Ravel-Debussy du meilleur effet.

Pour deux scènes où un petit orchestre à cordes joue dans les rues de Genève mais aussi sur un bateau, il a fait des recherches chez des éditeurs et a composé un magnifique morceau 1900 qui m'a rappelé les souvenirs de mon enfance. Pendant le tournage, un passant, les larmes aux yeux m'a raconté qu'il avait joué dans un orchestre semblable.

Enfin, le pianiste Bruno Pietri a doublé toutes les scènes où l'on voit les mains du pianiste car J.F. Garreaud ne savait pas jouer mais il a été d'une telle habileté que les techniciens du son qui ont mixé ce film m'ont demandé où j'avais trouvé un acteur qui joue aussi bien du piano!

Nous avons enregistré sous la direction de Cavalli la musique dans un studio près de Zurich.

Décors d'époque

Tourner un film d'époque interdit de voir des tubes néon, des antennes, des marques et écriteaux de parking. De plus il faut travailler vite.

Exemple: une scène à la Rue des Granges à Genève. Avant même l'arrivée de l'équipe, la voirie sable tout le sol pour masquer les marques de parkings. On démonte les écriteaux en ne gardant que les poteaux. Enfin on coiffe ces poteaux de faux réverbères en plastique léger qu'on enfile rapidement comme des capotes. La scène tournée, on déshabille les poteaux et un engin de la voirie vient aspirer le sable.

La guerre

La préparation des scènes de guerre demande beaucoup de travail. L'armée suisse nous a autorisés à ouvrir des tranchées d'époque dans la place militaire de Büre, tranchées dont le Musée de l'armée à Paris nous a fourni les plans.

J'ai consulté un historien de la guerre qui m'a donné beaucoup d'informations sur les gaz ypérite et sur les réactions des soldats quand ils les respiraient (étouffement et vomissements). Gros problème ! Nous voulions louer des armes chez un spécialiste à Paris, mais l'Etat français interdit que ces armes sortent de France! (Il y a toujours dans un tournage un moment ou un fonctionnaire borné mais zélé vous met les bâtons dans les roues.) C'est l'armée suisse qui encore une fois nous a dépannés avec une centaine de vieux fusils.

Nous avons engagé un artificier spécialiste des films de guerre. Il me serait difficile d'entrer dans tous les détails mais il faut savoir que ces installations sont source de dangers. Pour simuler les explosions d'obus on place sur le sol de grosses cuvettes en fonte remplies d'essence dans lesquelles on glisse un bâton de dynamite télécommandé.

Pour que les figurants ne s'approchent pas des cuvettes on leur trace le chemin qu'ils doivent absolument respecter de la façon suivante: on remplit un sac plastique de sable clair, on perce un petit trou sous le sac et avec le sable qui s'écoule on trace le chemin à suivre absolument.

Pour les impacts de mitrailleuses, c'est une rangée de petits pétards télécommandés qui explosent l'un après l'autre et simulent les impacts de balles.

Mise en scène

J'ai eu la chance de travailler avec des comédiens vraiment sympathiques.Le rythme d'un tournage de série est très serré. On demande aux comédiens beaucoup de souplesse et de réactivité. La technique prend du temps et si l'on met trente minutes pour régler son et éclairage il ne reste parfois guère plus de dix minutes pour régler une scène.

Pour les scènes à grosse figuration les assistants s'occupent de placer les figurants pendant qu'on répète avec les comédiens. Tout cela demande une préparation minutieuse.

Pour rire un peu, voici un exemple d'imprévu qui coûte du temps. On tourne à Gruyères l'arrivée de jeunes gens en calèche. Une des calèches est attelée à deux chevaux, un mâle et une jument. Dès la répétition, le mâle s'est pris d'un grand amour pour sa voisine et l'a exprimé de façon tellement visible qu'il était impossible de filmer ce spectacle indécent. Beaucoup de rires mais vingt minutes de perdues jusqu'à ce que le cheval se calme.

Conclusion

La préparation, le tournage, les finitions de La Pêche Miraculeuse m'ont pris deux ans de ma vie, deux ans de travail intense qui m'ont écarté de ma famille et de mes amis, mais deux ans de vrai bonheur.

La série: La Pêche Miraculeuse a été diffusée par la TSR, TF1, la RTBV et Radio Canada, durant l'année 1976.

Jean-François Garreau et Ingeborg Schöner.

Jardin des Bastions, Genève. Décor de foire.

Genève, vieille ville. Orchestre de rue (créé pour le film).

Neuchâtel. Figurants durant une pause.

Au premier plan : Jean-François Garreaud et Françoise Dorner.

Büre - Scène de guerre. (Photo Dany Gignoux).

Büre - Scène de guerre. (Photo Dany Gignoux).

Décor: hôpital au front.

Jean-François Garreaud et Raymond Barrat.

Jean Herman, auteur du scénario.

Gérard Louvin, 1er assistant (à gauche) et Pierre Matteuzzi réalisateur.

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27 avril 2015
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