Francis POULENC à Radio-Lausanne / Radio-Genève, 1935

Francis POULENC à Radio-Lausanne / Radio-Genève, 1935

1935
Photo Helios
René Gagnaux

Francis POULENC en 1935, lors d'une de ses causeries données à la radio de Lausanne, photographié par «Helios», une photo publiée entre autres dans «Le Radio» du 8 novembre 1935, No 657, page 2126

Voir https://www.notrehistoire.ch/medias/119836 pour plus d'infos

Francis Poulenc a toujours aimé parler - les mauvaises langues diront... "surtout de lui-même"... -, il était un excellent orateur et ses causeries étaient toujours très appréciées du public. Un court entretien bien dans le style de l'époque, publié dans la revue «Le Radio» du 25 octobre 1935, No 655, page 2028, à l'occasion de ces causeries à Radio-Lausanne et à Radio-Genève:

"[...] FRANCIS POULENC parle au STUDIO DE GENÈVE, lundi 28 octobre

à 19 h. 10

Profilant du passage de l'illustre compositeur français à Genève, nous avons demandé à Francis Poulenc de dire à nos lecteurs ce qu'il pense de la radio et de la musique. Voici les quelques notes qu'il a rédigées à l'intention de nos lecteurs.

«Maintes fois on m'a demandé si j'envisageais la possibilité d'une musique spécialement conçue pour la radio - mon opinion ne change pas. La radio étant un moyen de diffusion, de transmission et non d'expression propre, il ne saurait être question d'une musique strictement radiogénique, je n'hésite pas à inventer cet horrible mot; aurait-on jamais l'idée d'une peinture spéciale pour reproduction photographique? A mon avis, toutes les musiques s'adaptent également aux caprices atmosphériques du microphone.

C'est l'avantage que possède la radio sur la pellicule sonore qui, elle, nécessite encore une écriture instrumentale appropriée et ce serait étrangement rabaisser la radio que de la croire plus capable de transmettre tel instrument que tel autre. Si l'on envisage la question sous un angle pratique et non plus technique, ma réponse est la même. Croyez-vous que le mélomane, les pieds au feu, confortablement enfoncé dans son fauteuil, ait besoin d'une musique spéciale? Si cette musique avait pour but une succession fort rapide d'images sonores, le seul caprice des boutons y suffirait et lorsque Arthur Honegger écrit un panorama radiophonique, c'est pour donner aux auditeurs d'une salle de concerts une transposition symphonique d'une invention moderne comme jadis il faisait entrer, à 150 kilomètres à l'heure, son bolide Pacific dans l'Opéra rouge et or de Garnier.

N'empiétons donc pas d'un domaine sur l'autre et sachons louer avec discernement dans la radio ce qui en fait son principal charme: l'intimité. Je dis bien intimité car, seul, le soir, dans ma chambre tourangelle, j'ai tout à coup l'impression que Toscanini dirige pour moi seul, que Stravinski me réserve une première audition et ainsi je retrouve, grâce a la radio, un tête-à-tête avec la musique qui est sans prix quand l'oeuvre est de qualité. Si tout à coup je regrette le chapeau de la dame du fauteuil à côté, le bruit intempestif du strapontin d'un retardataire, c'est que mon intérêt faiblit et vite je recrée le silence. Pour ce seul avantage de pouvoir faire cesser l'ennui musical en une seconde, je louerai hautement la radio. Ne plus être emprisonné, malgré soi, dans vingt rangs d'orchestre, d'où l'on ne peut s'échapper, même sur la pointe des pieds, vaut à soi seul une gratitude sans borne. Voilà peut-être la meilleure raison pour laquelle j'aime la radio.» [...]"

Pour une captivante série d'entretiens avec Francis Poulenc, voir le dossier https://www.notrehistoire.ch/group/4871-francis-poulenc.

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René Gagnaux
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16 mai 2019
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