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Ludwig van BEETHOVEN, Symphonie No 7, Orch.Philh.ORTF, Ernest ANSERMET, 25 novembre 1967

25 novembre 1967
ORTF
René Gagnaux

Ludwig van Beethoven compose sa septième symphonie entre 1811 et 1812 à Teplitz, en Bohême, où il était en séjour. La partition autographe est datée du 13 mai 1812, elle est dédicacée à Moritz Reichsgraf von Fries - mécène, collectionneur et banquier. L'oeuvre fut donnée en première audition le 8 décembre 1813 sous la direction du compositeur, lors d'un concert-bénéfice pour les soldats autrichiens et bavarois blessés lors des guerres napoléoniennes - organisé par Johann Nepomuk Maelzel (*), qui avait persuadé Beethoven d'écrire une pièce patriotique. Beethoven se plia à la requête et composa la Victoire de Wellington, orchestrée avec canons, musique militaire et citations d'hymnes nationaux tels God Save the Queen. La septième symphonie et une démonstration de la trompette mécanique de Maelzel complétaient le programme.

(*) mécanicien de la cour de la Maison de Habsbourg, connu avant tout pour avoir perfectionné et breveté le métronome, ainsi que construit une «Hörmaschine» pour essayer de remédier à la surdité de plus en plus prononcée de Beethoven

Contrairement aux symphonies précédentes la septième symphonie est une composition purement musicale sans message éthique ou autre - ses quatre mouvements forment une succession de danses, de colorations et de rythmes différents, une «apothéose de la danse» selon Richard Wagner.

Pour un concert commémorant le 150e anniversaire de la naissance de Beethoven, donné par l'Orchestre de la Suisse Romande le samedi 16 octobre 1920 au Victoria-Hall, Ernest ANSERMET avait choisi l'Ouverture «Zur Weihe des Hauses» (Pour la consécration de la maison), Op. 124, le concerto No 5, Op. 73, et cette septième symphonie. Dans la brochure-programme de ce concert on pouvait lire:

"[...] La symphonie commence par une introduction lente. Chez Haydn, cette introduction ne servait guère qu'à affirmer la tonalité de l'oeuvre. Ici, elle a sa physionomie propre. C'est un vrai morceau, intégralement construit et développé, chose curieuse, le seul morceau lent de la symphonie. Il prépare l'ambiance, l'esprit de l'oeuvre, et va introduire le premier mouvement. Un mi sillonne soudain tout l'orchestre, se répercute, se repose sur d'angoissants silences, se scande enfin en un rythme toujours plus précis qui finit par précipiter aux flûtes le thème initial du vivace. C'est le début du premier mouvement. Veut-on, selon la tradition, y chercher un second thème? Il est très court. Un accent harmonique, une sorte de renflement du premier thème se fait sentir, et tout à coup, par une brusque modulation, on se trouve transporté dans l'atmosphère de «dominante», tandis que les violons jouent le second thème. Mais bien vite, on revient aux éléments du thème initial. Il semble que Beethoven se soit complu à en vouloir épuiser les infinies possibilités de développement.

Il en fait toute la matière de la partie médiane du premier mouvement, «travail thématique». Il en fera enfin la péroraison de ce vivace, et semble vouloir s'en reposer seulement au début de la gigantesque coda, où les basses imitent un fragment du second thème, que les violons enveloppent d'une large cantilène.

La valeur expressive de l'allegretto de la symphonie en la est assez connue et appréciée pour qu'il soit inutile d'y insister. Ce qu'il faut dire, c'est la richesse proprement musicale de cette partie, l'heureuse rencontre des rythmes ternaires et binaires, l'extraordinaire puissance de développement du passage en majeur, l'équilibre magistral de tout le morceau.

La troisième partie est un type achevé de scherzo beethovenien très développé. Au trio, les cors jouent un chant de pèlerins de la Basse-Autriche. La puissance de vie de ce morceau est telle que le trio peut revenir deux fois, précédé, séparé et suivi par le développement du motif rythmique indiqué sans que l'intérêt baisse un seul instant.

Enfin le finale clôt dignement cette orgie du rythme. Son premier thème est inspiré d'un air irlandais que Beethoven eut l'occasion d'harmoniser. À travers les premiers mouvements, le rythme s'étant développé logiquement dans des mélodies tour à tour enjouées, attendries et mordantes, il éclate ici dans une explosion définitive, dans un de ces accès de gaieté brutale dont Beethoven était coutumier. Ce morceau est un de ceux où l'on pourrait reconnaître l'origine flamande du maître de Bonn.

Parmi les innombrables commentaires de cette symphonie, on peut citer, à l'opposé de celui de Wagner, celui de Lenz, repris par M. V. d'Indy, qui tend à faire de la VIIe une autre Pastorale. Mais le meilleur commentaire, à coup sûr, est celui qui se dégage des faits et des paroles même de l'auteur. Beethoven dit ne s'être jamais montré plus au naturel, plus «déboutonné». Il a écrit cette oeuvre en quelques mois, c'est-à-dire particulièrement vite. Et sa date 1812 marque peut-être l'époque la plus heureuse de sa vie.

Vainqueur de l'amour, maître de son art et conscient de sa force, il n'était point encore abattu par la maladie, et sa gloire avait atteint son apogée. C'est l'époque où il bousculait les grands de ce monde et méprisait Goethe de se courber devant eux. Il allait dans la vie avec l'allure d'un dieu et l'inébranlable sécurité d'une force naturelle. La symphonie en la majeur fut exécutée pour la première fois dans une soirée de gala qui fut, sinon un triomphe de cette oeuvre, du moins un triomphe de Beethoven. L'orchestre y était de choix; on y voyait Spohr, Romberg, Moschelès, Hummel, Schuppanzigh. Et Meyerbeer y tenait une partie que sans doute il aimait déjà: la batterie. [...]"

Le texte n'est pas signé, mais il est fort probable qu'Ernest Ansermet l'ait écrit - comme c'était souvent son habitude à cette époque.

En janvier et en novembre 1967, Ernest ANSERMET fut invité à diriger l'Orchestre Philharmonique de l'ORTF:

"[...] Ernest Ansermet dirige à Paris

Mercredi 11 janvier, l'Orchestre philharmonique de l'ORTF donne, à Paris, un concert dirigé par Ernest Ansermet. Le programme comprend la 4e symphonie de Beethoven et deux oeuvres de Debussy, «La Mer» et «Six épigraphes antiques», ces dernières pièces ayant été, on le sait, orchestrées par Ansermet.[...]" cité du Journal de Genève, 9 janvier 1967, page 9

"[...] M. Ansermet est rentré de Paris

Ayant été invité par la Télévision française à donner un concert dans le grand studio parisien, le maître Ernest Ansermet est rentré de Paris par une Caravelle d'Air-France hier peu après 15 heures. Le programme que dirigea le chef de l'Orchestre de la Suisse romande comprenait une symphonie de Beethoven et des oeuvres de Debussy. Le concert devait être retransmis sur les ondes de la télévision mais en raison d'une grève du personnel, le concert n'a été qu'enregistré. Mais la salle était comble et les auditeurs étaient particulièrement des jeunes qui ont réservé un très chaleureux accueil au maître Ansermet [...]" cité du Journal de Genève, 13 janvier 1967, page 13

Plus en détails dans le Journal de Genève du 24 janvier en page 11:

"[...] Après le succès d'Ansermet à Paris

La presse s'est fait un bref écho du succès remporté récemment à Paris par Ernest Ansermet Dans le «Figaro», Olivier Alain, sous le titre: «Ansermet sacrifié aux idoles» fait, à ce propos, le commentaire que nous reproduisons ci-dessous:

La venue d'Ernest Ansermet était un événement. Bien qu'on ne lui ait attribué ni une salle de concert «de prestige» ni le premier orchestre «en titre» de l'ORTF, l'illustre vieillard a rempli la salle [1] et obtenu une immense ovation.

Cet octogénaire a dirigé le concert entier par coeur. Si la «Ve Symphonie» de Beethoven manquait un peu de vigueur, le style en était d'une rigueur totale. Les «Epigraphes antiques», qu'il dirigeait dans sa propre orchestration, devraient désormais figurer sous cette forme dans les «Intégrales » de l'oeuvre pour orchestre de Debussy.

Mais c'est surtout dans «la Mer» que l'Orchestre philharmonique s'est haussé au niveau du chef, et qu'Ansermet a montré qu'il détenait véritablement la clef du message poétique le plus profond du magicien d'Ile-de-France. Quelle splendeur de timbre, quelle émotion à fleur de sonorité!

Le très nombreux public s'est étonné de ne pas voir, dans la salle, les caméras de la télévision qu'on lui avait cependant annoncées. Si nos renseignements sont exacts, la raison est la suivante: craignant qu'une grève du personnel n'empêchât la retransmission du Palmarès de la Chanson, le lendemain, la direction a enregistré cette émission un jour avant, accaparant les techniciens qui devaient assurer le concert d'Ansermet. Le vieux maître, fondateur de l'Orchestre de la Suisse romande, qui a mené à la gloire tant de pages de Stravinsky, le meilleur spécialiste actuel de Debussy (puisque Inghelbrecht nous a quittés), ne paraîtra pas sur les écrans de la télévision française. On a sacrifié l'homme d'un demi-siècle aux idoles d'un jour.

Olivier Alain [...]"

[1] Grand auditorium de l'ORTF

Les «idoles d'un jour» en question étaient celles de l'émission «Palmarès des Chansons» de Guy Lux, dédié à Jean Ferrat, avec Marie Laforêt, Françoise Hardy, Mireille Mathieu, Sylvie Vartan, Johnny Halliday... Le concert d'Ernest Ansermet fut finalement diffusé sur France-Culture le lundi 6 mars 1967 (ref).

En novembre 1967, Ernest Ansermet fut à nouveau invité à diriger à Paris. Du concert donné le 25 novembre 1967 est extrait l'enregistrement proposé sur cette page. Un écho de la presse:

"[...] Succès d'Ernest Ansermet à Paris

Sous la signature de Patrick-G. Tabet, on peut lire dans «Le Figaro» les lignes suivantes sur le concert qu'Ernest Ansermet a dirigé récemment à Paris.

Quatre petites notes suspendues paresseusement comme une guirlande à une branche dans la pénombre: Ernest Ansermet vient d'attaquer la «Rhapsodie espagnole» de Ravel.

Miracle de couleurs, de contrastes et de jeunesse! Ansermet exalte le pouvoir sensoriel de cette musique; il parvient à nous faire ressentir le feu des trompettes, la fraîcheur du hautbois et le charme capiteux des violoncelles. Même enchantement dans le «Prélude à l'après-midi d'un faune» de Debussy. Ansermet recrée le climat de rêverie intense, d'ivresse et de volupté. L'ampleur des «tempi» permet aux thèmes de s'épanouir en toute sérénité.

Au préalable, ce fut une frémissante interprétation de la «VIIme symphonie» de Beethoven qui, pour une fois, a retrouvé sa véritable dimension d'apothéose de la danse.

Signalons qu'on avait fort courtoisement placé sur le pupitre d'Ansermet la partition de chaque ouvrage. Le grand chef les a laissées ouvertes à la page une. Fantastique exploit de la part d'un octogénaire. Mais rappelons-nous ce que disait fort joliment Arthur Rubinstein: «Vieillir? Croyez vous que j'aie le temps de vieillir?» Ansermet est de la même trempe! [...]" Journal de Genève du 12 décembre 1967, page 13

L' enregistrement que vous écoutez...

Ludwig van Beethoven, Symphonie No 7 en la majeur, op. 98, Orchestre Philharmonique de l'ORTF, Ernest Ansermet, 25 novembre 1967, Grand Auditorium de l'ORTF, Paris

  • 1. Poco sostenuto - Vivace 11:57 (-> 11:57)
  • 2. Allegretto 09:22 (-> 21:19)
  • 3. Presto 09:14 (-> 30:33)
  • 4. Allegro con brio 08:53 (-> 39:26)

Provenance: Radiodiffusion, Archives ORTF

Deux autres enregistrements de cette symphonie sont disponibles sur notre plateforme:

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René Gagnaux
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7 avril 2019
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