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Histoire(s) de Cinémathèque (6e partie) : "On volait les films"

28 février 2019
Lausanne
David Glaser
notreHistoire

Sixième partie de notre dossier sur l'histoire de la Cinémathèque suisse. Freddy Buache, mort le 28 mai dernier à l'âge de 94 ans était le fondateur de la Cinémathèque suisse et Frédéric Maire, l'actuel directeur ont été réunis à l'initiative de notreHistoire.ch le mercredi 9 janvier 2019. Il apparaissait intéressant de revenir sur ces 70 ans de conservation et de valorisation du cinéma dans son ensemble, des films suisses comme étrangers, muets comme sonores, noir et blanc comme "couleur", et ce à l'heure du «tout-écran» et de la multiplication des canaux de distribution.

Le futur immédiat de l'institution s'annonce chargé. La Cinémathèque accueillera le 75e congrès de la FIAF, la fédération internationale des archives de films, du 7 au 13 avril 2019. La transformation du Capitole à Lausanne en Maison du cinéma et l'ouverture du nouveau centre de Penthaz sont aussi à l'affiche des chantiers de cette année.

Freddy Buache chez lui en compagnie de Frédéric Maire, Lausanne le 9 janvier 2019

Discuter avec Freddy Buache de cinéma, c'est mettre le doigt sur le côté foutraque de la Cinémathèque balbutiante des années 50, une structure se professionnalisant et se normalisant administrativement au fil du temps. Au point qu'aujour'hui, la Cinémathèque fasse figure de pôle important pour la conversation des films à une échelle mondiale.

La disruption numérique survenue à la fin des années 1990, permettant la "visibilité" aux vieux films, est décrite avec humour par Freddy Buache, avec une pointe de questionnement aussi. Quant à la transformation des cinémathèques ces vingt dernières années, a-t-elle profondément profondément changer la mission des dirigeants des institutions. Le rôle d'un directeur d'une cinémathèque créée après-guerre est-il si différent aujourd'hui?

Freddy Buache : "Les membres des cinémathèques sont peut-être des gens qui ne ressemblent plus tout à fait aux pionniers des cinémathèques. Les cinémathèques se sont faites pendant la guerre, il y avait les Allemands d'un côté, et Henri Langlois à Paris. Nous en Suisse, on se retrouve à vouloir faire cette cinémathèque car à l'époque on jetait les films ici. Donc, on allait jusqu'à les chercher chez ce qu'on appelait "les tourneurs", les gens qui distribuaient les films. La Cinémathèque suisse a ramassé des films, il y avait un réel intérêt de notre part. Les films, on les mettait dans des blockhaus (ndlr: abris fermés). On n'avait pas d'argent, il n'y avait pas d'aide à Berne sur le cinéma à cette époque. Le cinéma était une marchandise comme une autre. On payait des droits de douane sur les films. Ces films, on ne les voyait pas ou très peu. Ils étaient proposés aux ciné-clubs. Entre 1945 et 1948, on essayait de les montrer un maximum dans ces mêmes ciné-clubs. Il y avait alors une sorte d'invisibilité des films."

Freddy Buache: "En Europe, il existait surtout deux grands défenseurs du cinéma, Luigi Comencini en Italie et Henri Langlois en France. Des projections privées étaient organisées dans les ciné-clubs. C'était la seule possibilité. On faisait des cassettes avec des films anciens dans l'optique de les remontrer. En l'an 2000, les films qu'on avait dans nos collections, on les refaisait parfois complètement. Il n'y avait donc plus d' "invisibilité" des films à partir de cette période. Au contraire, on a alors eu une visibilité énorme des films dans toutes les grilles de programmes des télévisions du monde entier. De ce point de vue, l'article de l'historienne Natacha Laurent de la cinémathèque de Toulouse explique ça. Cette invisibilité des films n'existe plus."

Freddy Buache: "Les films, on les "volait". J'en ai "volé" plein… j'ai ramassé tout ça. On a procédé à de grands travaux avec des distributeurs qu'on connaissait pour les récupérer. Aux Américains, on disait "vous détruisez des copies", ce sont des copies sous-titrées en français et en allemand… La compagnie de production et de distribution Fox a fait un effort. Ce sont des histoires de cinémathèques. On était dans un monde étrange. Les premiers congrès de la FIAF (Fédération internationale du film), cela arrive après ma rencontre avec Henri Langlois, le directeur de la Cinémathèque française. Je l'ai rencontré en 1945. En France, le «Festival des films de demain» était organisé. J'en fis partie. Après je suis allé en Angleterre toujours dans le cadre des rencontres de la FIAF. Il y avait peu de gens à la FIAF à cette époque, c'était toujours des gens passionnés. Le mot d'ordre, c'était "ne rien jeter, essayer de tout garder", c'était un message qui avait son sens. Il y a eu ce travail fait dans un groupe de gens composé de Luigi Comencini et Henri Langlois, des cinéastes qui étaient intéressés par le travail de cinémathèque."

Par David Glaser.

(La suite de cette interview demain sur notreHistoire.ch)

Pour connaître les métiers de la Cinémathèque suisse, allez sur ce lien.

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11 février 2019
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