Le Premier siècle de l'OSR

29 novembre 2018
David Glaser
David

Les Vaudois sont venus célébrer ce vendredi 29 novembre un centenaire fringant: l'Orchestre de la Suisse romande. Cet orchestre qui unit la Romandie et fait de l'originalité de son savoir-faire une utilisation mondiale, a brillé dans les lueurs des plus belles scènes du monde, avec ce label "made in Switzerland", gage d'exigence et de qualité. Dans cette salle de Beaulieu aux dorures parfaites et aux lustres gigantesques accrochés au plafond, le silence se fait subitement pour écouter le discours de Olivier Hari, président de la Fondation de l'OSR.

Jeudi 29 novembre 2018, un Palais de Beaulieu en fête pour les 100 ans de l'OSR

Un témoignage teinté d'histoire et de révérence au maître fondateur Ernest Ansermet. Suit, tout en concision et émotion, le discours de Dominique Radoux-Khan, la présidente de l'association des Amis vaudois de l'OSR, rendant un hommage à Abigael de Buys Roessingh pour son travail au service des musiciens et de l'institution. L'allocution se termine dans un déluge d'applaudissements. La Romandie est reconnaissante. Place à la musique de cet orchestre qui a su rester jeune grâce à Jonathan Nott, le dixième directeur musical de son histoire. Le maestro qui va fêter sa troisième année au service de l'orchestre, prend la baguette pour mener un des cinq concerts commémoratifs - ou plutôt festifs - organisés entre Lausanne et Genève pour fêter cet anniversaire ô combien important.

Entre modernité et originalité

Le concert commémoratif des cent ans de l'orchestre de ce jeudi 29 novembre se veut moderne et représentatif d'une époque qu'Ansermet a marqué de toute sa classe. Avec le choix de démarrer le programme lausannois par la Symphonie n°3 dite "liturgique" de Arthur Honegger, un lien entre le compositeur suisse et l'histoire de l'OSR se renoue, Honegger qui avait rencontré une très grande reconnaissance critique avec "Le Roi David", une pièce de René Morax (à écouter plus loin dans la sélection de René Gagnaux). Les musiciens de l'OSR semblent aujourd'hui s'amuser des variations grandiloquentes de la pièce, démontrant une certaine joie à alterner les sonorités sombres et la turbulence que l'on retrouve aussi dans l'oeuvre nommée "Pacific 231", hymne musical d'une industrialisation galopante lors de sa composition.

L'OSR joue la carte du plaisir donc mais aussi de l'originalité, de l'émotion même, en plaçant avec un humour non dissimulé le concerto pour trombone et orchestre du compositeur écossais James McMillan, avec le convaincant Jörgen van Rijen en tête d'affiche dans une interprétation subtile et aussi facétieuse de l'oeuvre, aidé en ce sens par un trio remarquable de congénères trombonistes aux barrissements décalés, répondant aux notes affirmatives de van Rijen. Deuxième partie américaine du spectacle, dans un Beaulieu transformé en temple du music-hall: la musique contemporaine y prend une place nouvelle, en se mariant au jazz des années 30 de Harlem, les musiciens de l'OSR jouent de la voix et du claquement de doigts sur le "Mambo" de Leonard Bersntein (tout droit sorti du score de la comédie musicale "West Side Story") et la joyeuse déferlante latine emporte le public vaudois dans un élan original, pas habituel pour un programme de l'OSR. Juste avant, c'est le compatriote de "Leo", George Gershwin, qui est interprété dans une entraînante "Rhapsody in Blue", habitée par le pianiste virtuose Lucas Debargue, une révélation aussi visuelle qu'auditive. On se croirait dans les rues de New York, au milieu d'une divagation nocturne romantique en plein été quelque part entre Amsterdam et Colombus, à deux pas de Central Park... ou dans un "Woody Allen"... voire dans Fantasia. Gershwin, marieur du classique avec la pop-culture, comme un signe d'ouverture affirmé de l'OSR pour les 200 ans à venir.

L'audacieuse légèreté du maître

A Genève, plus tôt cette semaine, Jonathan Nott a taquiné son orchestre avec tact et plaisir, maniant la baguette entre légèreté assumée et précision métronomique des grands directeurs musicaux de classe planétaire. "On a vraiment fait plaisir" au public me dira le Maestro à la sortie du concert. "Mais l'orchestre a eu aussi beaucoup de plaisir". Sur les pupitres, le Britannique avait sélectionné le 1er Concerto pour piano de Bartók et la 6e Symphonie «Pastorale» de Beethoven. Le succès a été total au Victoria Hall, avec ces choix illustrant la liberté et l'audace du Maître fondateur Ansermet, symbolisant la vision du créateur de l'orchestre, une emprise sur l'époque de reconstruction d'une Europe abîmée, une façon de sortir la Suisse de l'ornière de l'après-guerre. L'hommage à Ansermet va continuer en cette fin de semaine et prendra une dimension supplémentaire à nouveau au Victoria Hall ce vendredi soir avec une belle sélection dans l'oeuvre de Tchaïkovski et une interprétation du lunaire et cinématographique "Une Nuit sur le Mont Chauve" de Moussorgski, une pièce mystérieuse, fascinante qui vous transportera. La soirée de ce vendredi sera aussi marquée par "L'Oiseau de feu", joué comme un remake de 1955 quand Ernest Ansermet dirigeait l'OSR avec cette oeuvre du plus romand des compositeurs russes, son ami Igor Stravinski.

Par David Glaser

Lisez l'article rassemblant les œuvres les plus emblématiques de l'OSR en un siècle, en cliquant sur ce lien. Le membre de notreHistoire.ch René Gagnaux a fait une sélection précise d'enregistrements de concerts et commente ses choix.

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10 décembre 2018
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