Alain MILHAUD, courte biographie

René Gagnaux

Genève, 1930 - Madrid, le 24 avril 2018

Chef d' orchestre, réalisateur, promoteur et producteur de nationalité suisse, d'origine genevoise

Les premières mentions d'Alain Milhaud que j'ai pu trouver dans la presse romande - plus exactement dans le Journal de Genève - datent de ses premières années d'études musicales:

D' après cette page du site bibliotecas.unileon.es, il entreprit des études d'économie et de politique à Genève, puis à Paris, à la Sorbonne.

Dans la presse romande, on le retrouve en 1952 dans un court compte-rendu élogieux de la rubrique Spectacles parisiens d'été du Journal de Genève, 25 juillet 1952, en page 5:

"[...] On dit volontiers - mais n'en est-il pas ainsi de tous temps? - que les jeunes gens d'aujourd'hui se réalisent mieux dans leurs rêves que dans la réalité... La preuve contraire nous en est donnée de manière éclatante et exemplaire par Alain Milhaud, qui a fait la première partie de ses études musicales à Genève.

En effet, il a pensé à mettre au point un stage international musical et culturel pour les jeunes musiciens, et son entreprise a pris corps effectivement ces derniers jours. Une centaine d'instrumentistes et de choristes se trouvent réunis en ce moment en Touraine, pour un mois, au château de Gramont. Les trois premières semaines sont consacrées à la mise au point des spectacles qui seront donnés en public du 9 au 16 août sur la terrasse du château de Gramont et dans les jardins de Villandry. Voici née la Semaine musicale de Touraine: une perle de plus au fil de la Loire... Le programme n'est pas de peu d'importance, puisqu'il s'agit de deux opéras de Rameau et de Scarlatti: «Pygmalion» et «II trionfo dell'onore». Voilà qui serait bien, mais n'était pas encore assez pour Alain Milhaud, qui voulait une rencontre spirituelle dans tous les sens du mot. C'est ainsi que certaines soirées seront réservées à des entretiens dont le thème général sera «l'humanisme et les temps modernes», auxquels participeront tous ceux qui le voudront aux côtés du Révérend Père Maydieu, du pasteur Jean Russillon, Josué Jéhouda, Jean Starobinski. On ne félicitera jamais assez Alain Milhaud d'avoir pris une telle initiative et d'avoir trouvé la force de la mener à bien. [...]"

On le retrouve quelques mois plus tard dans le Journal de Genève du 18 novembre 1952, en page 7, décrivant plus en détails l'association qu'il avait fondé (compte-rendu signé «Bl.St.»:

"[...] «Musica Viva» (*) est une association de jeunes artistes de France, Belgique, Hollande, Luxembourg, Suisse, Allemagne, Angleterre et Italie qui se sont réunis autour d'une idée commune: améliorer la compréhension internationale.

Tous ces jeunes se sont assemblés pour la première fois, l'été dernier, au château de Grammont, en Touraine, afin de tenter, pendant un mois, l'expérience. L'expérience, dans le cas particulier, fut des plus concluantes et donna exactement le résultat escompté: plus d'une centaine de jeunes musiciens de nationalités, de langues, de tendances différentes se trouvaient là, sous le même toit, collaborant étroitement pour mettre sur pied une série de programmes aussi variés que courageux. Ils travaillèrent ainsi, quatre semaines durant dans une stricte discipline, de concessions réciproques et d'entr'aide, dans une atmosphère de féconds échanges et de contacts enrichissants. Et les concerts préparés de la sorte furent finalement présentés au public, au terme de ce camp international, en une sorte de festival, la «Semaine musicale de Touraine», qui connut le plus vif succès.

C'est ainsi que. désireux de poursuivre leur effort, et encouragés par l'intérêt que cette initiative suscita autour d'eux, les membres de «Musica Viva» décidèrent de se regrouper périodiquement, au cours de l'année, dans chacun des pays représentés au sein de l'association. Voilà ce qui nous vaut, aujourd'hui, ce Festival des Jeunes qui se déroulera en nos murs du 18 au 23 novembre et qui comprendra une séance de musique de chambre, un concert commenté réservé aux étudiants, un concert symphonique, l'exécution de la Passion selon saint Jean, chantée en allemand, une soirée d'opéra.

Comme on le voit, ces jeunes fervents de la musique, ne reculent pas devant la difficulté et ne craignent point de s'atteler à des tâches d'envergure!

Tous ces renseignements nous ont été fournis, hier, lors d'un cocktail d'information organisé à l'intention de la presse, par M. Alain Milhaud, le dynamique promoteur et président de ce mouvement. Il a ajouté encore que cette association n'avait rien de commun avec les Jeunesses Musicales qui, au demeurant lui marquent leur plus vive sympathie, puisque un certain nombre de leurs adeptes font aussi partie de «Musica Viva».

Enfin, une chose intéressante à noter: soucieux de la culture générale des jeunes musiciens - culture trop souvent négligée par le fait d'études spécialisées absorbantes - les organisateurs de «Musica Viva» offrent à leurs membres dans la mesure du possible, des conférences traitant toute espèce de sujets philosophiques, littéraires, religieux et, bien entendu, artistiques, et éditent même, dans cette intention, une brochure fort bien conçue.

Disons, pour terminer, que tous ces jeunes se réuniront derechef, l'été prochain pour élaborer de nouveaux programmes, et souhaitons-leur bonne chance pour la réalisation de leurs audacieux projets. [...]"

(*) À ne pas confondre avec l'orchestre Musica Viva de Berne, qui - dans les années d'après-guerre - donna souvent des concerts à Genève. Il y eut aussi un choeur Musica Viva, dirigé par Albin Jacquier.

Alain MILHAUD dans les années 1950 ou 1960, photographe ??, lieu ??

Cette photo apparaît à plusieurs endroits sur la toile, mais je n'ai pas pu déterminer la source d'origine: si une personne visitant cette page devait en savoir plus, toutes informations m'intéressent -> couriel ou commentaire! Elle est extraite de cette photo (https://www.notrehistoire.ch/medias/116380).

Le compte-rendu du concert symphonique donné dans la Cour Saint-Pierre, publié dans le Journal de Genève du 21 novembre 1952, en page 10**, signé «J. P.» (**devrait être «Jacques Poulin»):

"[...] À LA COUR SAINT-PIERRE - Concert symphonique

Venu sceptique, je suis reparti conquis. Conquis par l'émouvant message de ces jeunes instrumentistes qui, bravant témérairement les multiples embûches de la tâche à laquelle ils s'attaquent, ont gagné la partie.

Car c'est bien une victoire à laquelle nous avons assisté hier soir.

Car c'est bien un orchestre à cordes doué des plus authentiques qualités que nous avons applaudi. Vibrant de la même passion, s'accordant à traduire avec une égale ferveur la pensée des maîtres illustres qu'ils interprétaient, ces jeunes filles et ces jeunes gens ont gagné là une dure bataille.

Quant à leur directeur, M. Alain Milhaud. l'expérience, en allégeant son geste parfois trop virulent, lui permettra de mettre en valeur ses évidentes qualités: un irrésistible pouvoir de persuasion et une méticuleuse autorité, qui lui donnent le loisir de dominer et de grouper avec une souple aisance ses musiciens.

Le concours précieux de M. Roger Roche, altiste, qui donna du «Concerto pour alto et orchestre» de Haendel, une interprétation d'une rare noblesse, et celui de Mlle Liselotte Born, dont on apprécia fort l'autorité un peu géométrique dans le «Concerto en fa mineur» de J.-S. Bach, rehaussait l'intérêt d'un programme tout entier consacré aux plus grands compositeurs du XVIIe siècle: Durante, Haendel, Bach.

C'est dire la haute tenue d'un programme qui avait attiré un innombrable auditoire, vibrant et enthousiaste. [...]"

La Passion selon Saint-Jean fut commentée par Franz WALTER dans le Journal de Genève du 22 novembre 1952, en page 13:

"[...] Pour sa quatrième manifestation, l'ensemble Musica Viva nous donnait hier soir, au Victoria Hall, une audition de la Passion selon saint Jean, de J.-S. Bach, audition offerte précédemment déjà aux écoles de Genève, en un concert commenté.

Sans doute, la position du critique a quelque chose d'un peu embarrassant face aux manifestations de ce Festival international des Jeunes. Les buts du mouvement Musica Viva ont été exposés ici-même, et l'on y applaudit des deux mains. Mais il y a un petit côté légèrement ambitieux dans le programme et la présentation du présent Festival international, qui incite à la prudence. Je résumerai cependant de la manière suivante les impressions mélangées que j'ai pu ressentir hier soir: décidé, vu l'heure très tardive à laquelle débuta le concert (par suite d'une panne d'électricité à l'orgue, décidé à partir avant la fin, voire à l'entr'acte, je fus gagné progressivement par la musique - et les musiciens - et restai sans contrainte, et même avec plaisir, jusqu'à la fin de ce très long concert. C'est donc, qu'en dépit d'un choeur aux voix très fluettes, d'un orchestre bien dépourvu de relief, et de solistes aux qualités fort inégales, la partie peut être considérée comme gagnée, malgré tout, hier soir. Certes, il y avait dans cet ensemble disparate quelques artistes de valeur susceptibles d'épauler largement leurs camarades et même de capter à eux seuls une partie de l'intérêt du concert. On citera en premier lieu l'admirable ténor F. Gruber qui, dans le rôle écrasant de l'Evangéliste, témoigna d'un métier déjà accompli et d'autant d'autorité que de sensibilité. Ses interventions soutenues avec un tact parfait par Liselotte Born au clavecin et Lionel Rogg à l'orgue et que compléta la voix expressive du Christ furent parmi les meilleurs moments du concert. Il y avait aussi l'excellent violoncelle-solo Ottomar Borwitzky, dont la participation fut à nouveau très remarquée.

Mais il faut relever aussi l'excellent travail de mise au point et la discipline de l'ensemble qui permirent à tous de tenir jusqu'au bout sans accident - sinon parfois sans quelque maladresse et fatigue - et de donner encore à la fin le meilleur d'eux-mêmes. Il convient d'adresser des félicitations particulières aux choeurs pour leur vaillance, leur conviction et la ferveur avec laquelle ils réussirent à traduire quelques-uns des chorals de la partition.

Quant au jeune chef, Alain Milhaud, il fit preuve d'une réelle emprise sur ses musiciens, obtenant des attaques précises tout en sachant maintenir un tempo très ferme. Son geste, qui est clair et décidé, n'est pas toujours dépourvu d'un brin d'emphase. Mais il sembla, lui aussi, gagné progressivement par la musique, pour s'oublier lui-même, trouvant à créer plus d'une fois l'atmosphère recueillie que réclamait la musique, notamment au cours de l'émouvant choeur final.

Citons encore parmi les solistes Mmes Diakof et S. Born et M. Koller. [...]"

Alain MILHAUD au pupitre de mixage, début 1960 ??, photographe ??, lieu ??

Cette photo apparaît à plusieurs endroits sur la toile, mais je n'ai pas pu déterminer la source d'origine: si une personne visitant cette page devait en savoir plus, toutes informations m'intéressent -> couriel ou commentaire!!

Après des concerts dans différentes villes d'Europe, une nouvelle «Semaine Musicale Musica Viva» eut lieu en 1955:

"[...] Né de l'initiative du jeune chef d'orchestre Alain Milhaud, Musica Viva devait poursuivre et étendre son effort, marqué en particulier par un stage musical annuel, en été au château de Grammont, en Touraine, où se réunissent pour le travail des jeunes artistes venus principalement de France, de Suisse et d'Allemagne. Le résultat de ce travail, Musica Viva l'a présenté avec succès dans des concerts donnés à Paris, à Genève, à Tours, Orléans, à Bayreuth (où l'orchestre Musica Viwa de Paris et les choeurs de Genève furent invités par les Jeunesses musicales d'Allemagne) et en montant des oeuvres telles la Passion selon saint Jean, de Bach, la Cantate à Saint Nicolas, de Britten, et le Rake's Progress, de Strawinsky.

Du 4 au 10 avril - c'est-à-dire dès lundi - Musica Viva organise une «Semaine musicale» à Genève, avec l'orchestre parisien, les choeurs genevois et le concours de divers solistes internationaux dont plusieurs de Genève. Deux concerts symphoniques nous seront offerts. L'un, sous la direction d'Alain Milhaud, nous permettra d'entendre, à côté d'oeuvres classiques, deux premières auditions: une symphonie de Marcel Delannoy et un Concerto pour piano et orchestre de notre jeune concitoyen Lionel Rogg. L'autre, dirigé par Christian Vöchting, aura entre autres à son programme la Petite symphonie concertante, le chef-d'oeuvre de Frank Martin. Enfin nous aurons deux auditions du Requiem de Fauré et un concert d'oeuvres vocales dirigé par Jean Delor.[...]" Franz WALTER dans le Journal de Genève du 4 avril 1955, en page 7.

Le premier concert fut commenté par Franz WALTER dans le Journal de Genève du 5 avril 1955, en page 7. À noter que dans les divers concerts Musica Viva apparaît souvent le non du jeune Lionel ROGG:

"[...] La « Semaine musicale » de Musica Viva a débuté, hier soir, par un concert symphonique au programme assez copieux et qui faisait fort heureusement la part à de jeunes talents, puis qu'elle nous valait la présence d'un soliste et d'un compositeur de la génération montante.

Un violoncelliste, M. Gerhardt Hamann - qui interpréta avec finesse et dans un bon style, sinon avec beaucoup d'ampleur, le périlleux Concerto en ré majeur de Haydn - et notre concitoyen Lionel Rogg, interprète de son propre concerto de piano. Lionel Rogg, encore élève de notre Conservatoire - il n'a pas 20 ans, je crois - est donc véritablement à ses débuts de la carrière de compositeur. Quelques oeuvrettes, pourtant, nous avaient déjà laissé entrevoir son talent. Un talent certain, que ces «Deux mouvements» pour piano et orchestre viennent confirmer déjà de manière péremptoire. S'il n'est pas malaisé d'y découvrir l'influence très forte d'un Frank Martin et si la forme, un peu trop compartimentée peut en apparaître quelque peu indécise, ou d'un souffle court, c'est une oeuvre qui nous révèle pourtant une personnalité marquée d'une vive mais délicate sensibilité et d'un réel sens poétique.

Le programme qui débutait par l'Ouverture des «Noces de Figaro» et s'achevait sur la symphonie No 2 pour cordes et trompette d'Arthur Honegger, comprenait encore en première audition la Symphonie No 2, pour orchestra à cordes et célesta du compositeur français Marcel Delannoy, oeuvre qui témoigne d'un certain nombre d'idées heureuses et de quelques belles éclaircies, mais dont la dialectique s'avère un peu confuse et surtout trop prolixe.

Peut-être bien y eut-il aussi quelque lourdeur dans l'interprétation. Car si M. Alain Milhaud, qui dirigeait ce concert, fait preuve d'une magnifique assurance, d'un rythme très ferme et d'un dynamisme entraînant, il semble bien aussi qu'il se laisse tenter parfois par certains effets un peu extérieurs. Orchestre plein d'allant. [...]"

Deux jours plus tard, c'est A. Christen (**) qui commenta le 2e concert dans le Journal de Genève du 7 avril 1955, en page 10, élogieux aussi bien pour Musica Viva que pour Alain Milhaud et Lionel Rogg:

"[...] Au temple de Saint-Gervais - Le 2me concert de «Musica Viva»

À une époque où l'on fait si grand cas des filles qui jouent aux viragos et des garçons qui se prennent pour des «durs», on ne dira jamais assez, ni en termes assez vifs, aux jeunes gens de «Musica Viva» et l'estime que nous inspirent leurs préoccupations musicales, et l'admiration qui leur est particulièrement due pour un concert, une parfaite réussite, comme celui d'hier soir.

Mettre au point une oeuvre de l'envergure du «Requiem» de Fauré n'était pas, en effet, une petite affaire: c'est une musique qui descend tout droit du ciel, une musique d'une beauté et d'une pureté absolues. Plus encore que par la chaleur rayonnante qui émane d'elle, cette musique vaut, comme à peu près tout ce que nous devons à la plume de Fauré, par l'authenticité - le souci d'authenticité - qui fait de cet homme un des plus grands musiciens de tous les temps. C'est dire que l'interprète n'a ici aucun moyen de s'en sortir par l'empirisme ou le procédé; pour convaincre, séduire et charmer, il doit être convaincant, séducteur et charmeur comme le fut Fauré et comme l'est sa musique: tout naturellement, et avec le sentiment de l'authenticité.

C'est aux talents conjugués de Jean Delor et d'Alain Milhaud que nous devons la merveilleusement belle exécution du «Requiem» de Fauré. Jean Delor, qui chantait modestement sa partie dans le choeur, avait préalablement stylé ce choeur avec une profonde compréhension de la sensibilité fauréenne: les voix étaient légères, transparentes, irradiantes jusqu'à la suavité.

Au pupitre, Alain Milhaud, de qui Henry Prunières aurait dit qu'il jette sa jeunesse à la tête des auditeurs (et on l'avait bien vu au premier concert, lundi), eut hier soir un geste remarquablement plus policé - et ce fut l'autre condition de la réussite. Les solistes du «Requiem» étaient Mme Tamara Pilossian et M. Karl-Heinz Kahlstorf, de l'Opéra de Bonn, artistes sur le talent de qui l'on ne peut faire que des éloges. Mais ils n'ont ni le timbre ni le style requis par la musique de Fauré. Le concert avait débuté avec la Cantate 53, de Bach, que Mme Monique Berghmans, de l'Opéra de Bonn, beau mezzo bien timbré, chanta dans un style parfait.

À l'orgue était le jeune mais déjà valeureux Lionel Rogg. Et si j'ai peu parlé dans cet article de l'Orchestre Musica Viva, de Paris, il va sans dire que sa présence est, comme elle le fut hier soir, de tous les instants, sensible et efficace. [...]"

(**) Je pense qu'il s'agit là d' Achille Christen, musicien et régisseur radio bien connu en Suisse Romande.

En 1957, Alain Milhaud épousa Montserrat Trias, de nationalité catalane (ref.: par exemple cette page du blog leerytejer.blogspot.com), qui fut probablement la raison de leur émigration en Espagne quelques années plus tard.

En 1959, il fut l'initiateur de l'«Ensemble Instrumental Romand»:

"[...] Un nouvel ensemble symphonique

Ensemble instrumental romand, tel est le titre d'un orchestre de chambre d'une vingtaine de musiciens qui vient de se créer et dont le but est de desservir, dès l'automne prochain, les villes de Suisse romande particulièrement privées de manifestations musicales régulières, notamment dans le domaine symphonique.

Il s'efforcera en outre d'amener progressivement le public de ces villes à connaître et apprécier la musique d'aujourd'hui. Il cherchera à collaborer avec les sociétés locales de musique pour intensifier les manifestations musicales hors des grands centres. Il donnera en même temps la possibilité à de jeunes musiciens professionnels non encore titulaires de postes fixes d'exercer leur métier dans les meilleures conditions possibles.

L'Ensemble instrumental romand sera placé sous la direction du jeune chef d'orchestre Alain Milhaud, promoteur de ce projet et chargé de sa réalisation. Pour sa première tournée, en octobre prochain, cet ensemble donnera dans une dizaine de villes différentes la «Passion selon saint Jean» de J.-S. Bach avec le concours du Choeur madrigal de Barcelone et de quelques solistes de renom. [...]" Court communiqué publié dans le Journal de Genève du 7 juillet 1959, en page 11

Le concert avec la Passion de Saint-Jean fut très bien accueilli:

"[...] L'Orchestre de la Suisse romande, l'Orchestre de chambre de Genève, celui que dirige à Lausane M. Victor Desarzens, jouent sans doute un rôle capital dans la vie musicale de notre pays. Mais tant de petites cités, tant de sociétés chorales sont privées de l'appui d'un ensemble orchestral professionnel qu'il y avait là une place à remplir.

C'est ce qu'a compris notre jeune compatriote M. Alain Milhaud qui, avec l'audace de son âge, n'a pas craint de se lancer dans cette belle aventure en créant l'Ensemble instrumental romand, qu'il se propose de présenter dans de multiples villes de Romandie, où il répandra la bonne parole de la grande musique. On ne peut qu'applaudir à cette courageuse initiative, et lui souhaiter complète réussite !

Bien sûr, l'Ensemble instrumental romand a encore du chemin à parcourir avant d'obtenir une parfaite fusion, il devra, qu'on nous pardonne le terme, se «roder» mais ses débuts sont prometteurs, et les quelque vingt musiciens qui le composent sont animés d'une visible bonne volonté qui leur laisse les plus légitimes espoirs. Alain Milhaud, de plus, s'est révélé un chef-né, dont le geste clair autant qu'effectif, la sobriété de moyens et la sûre musicalité ont fait samedi grande impression.

C'est une tâche ardue que de présenter «la Passion selon saint Jean» de J.-S. Bach, fresque gigantesque, qui exige des solistes d'une grande culture musicale, un chœur rompu à la plus stricte discipline, et un ensemble orchestral précis autant que souple.

Tous cela était réuni, samedi, sur l'estrade du Victoria Hall, et l'auditoire le comprit vite, qui fit au jeune chef et aux ensembles qu'il dirigeait, le plus chaleureux accueil. D'entre les chanteurs, il faut citer tout particulièrement Hugues Cuénod, récitant d'une émouvante grandeur, qui atteint par moments aux sommets les plus noblement tragiques. M. Jörn Winkler était le Christ, auquel son timbre chaleureux confère de beaux accents, Mmes Roberta McEvans, soprano, Lucienne Devallier, alto, et M. Derrik Olson, baryton, complétant une distribution vocale d'une belle homogénéité.

C'est la première fois (***) que le Choeur Madrigal de Barcelone se présentait à Genève. Apportons notre totale approbation à M. Manuel Cabero, son fondateur et son chef, dont le patient travail de mise au point est admirable. Il nous a rarement été donné, en effet, d'entendre un groupe choral aussi parfaitement fondu, aussi souple. On sent, chez ces jeunes chanteurs, hommes et femmes, une foi, un enthousiasme, un amour de la musique, qui ne peuvent laisser indifférent. Chacune de leurs interventions, dans les grandioses chorals de cette Passion, par leur dignité, par leur perfection, fut un moment émouvant.

Quand nous aurons dit que Mlle Liselotte Born était chargée de la délicate partie du clavecin, que M. Lionel Rogg, à son «positif à quatre jeux» interprétait le rôle dévolu à l'orgue, et que M. Graciano Tarrago en était le luthiste, le triomphal succès de cette soirée aura été expliqué!

La Chaux-de-Fonds, Bienne, Nyon et Fribourg vont connaître ces jours prochains les joies que nous avons eues samedi. Il semble presque superflu de souhaiter entière réussite à Alain Milhaud et à ses artistes ! [...]" Compte-rendu publié dans le Journal de Genève du 19 octobre 1959, en page 11**, signé «J.P.» (**devrait être «Jacques Poulin»)

Voir la Gazette de Lausanne du 24 octobre 1959, page 5, pour le compte-rendu du concert donné au Théâtre Municipal de Lausanne.

(***) Le Choeur Madrigal de Barcelone avait en fait donné son premier concert à Genève déjà deux ans auparavant, le 1er décembre 1957.

L' «Ensemble Instrumental Romand» nous intéresse ici plus particulièrement en relation avec deux disques d'Alain Milhaud publiés chez Concert Hall / Musical Masterpiece Society, les MMS-958 et MMS-2305: voir cette page (https://www.notrehistoire.ch/medias/116345) pour le premier et ... va être complété sous peu ... pour le second.

La dernière mention d'un concert avec Alain Milhaud que j'ai pu trouver dans la presse suisse romande est celle d'un concert donné le 16 avril 1960: voir la page du MMS-958 pour son compte-rendu.

Dans la presse romande, je n'ai ensuite retrouvé Alain Milhaud mentionné que dans deux faire-parts:

Il doit donc s'être établi avec sa famille en Espagne entre 1960 et 1964.

Alain Milhaud a été actif en Espagne avant tout comme promoteur de concerts et producteur de disques, avec divers groupes de musique pop et semblables: voir par exemple cette page du site bibliotecas.unileon.es et cette page de Wikipedia pour plus d'infos (les deux en langue espagnole), ainsi que cette page de Discogs pour un aperçu des disques qu'il a produit en Espagne.

Alain MILHAUD*, date ??, lieu ??*

Cette photo apparaît à plusieurs endroits sur la toile, mais je n'ai pas pu déterminer la source d'origine: si une personne visitant cette page devait en savoir plus, toutes informations m'intéressent -> couriel ou commentaire!! Le photographe devrait être Lorenzo Wilma

Alain Milhaud est décédé le 24 avril 2018 à l'Hôpital Universitaire La Moraleja de Madrid, des suites d'une tumeur au cerveau, «Fallece a los 88 años el productor musical Alain Milhaud, descubridor de Los Bravos y Los Canarios»).

À son décès, de nombreux hommages lui furent rendus dans la presse espagnole. Un très court extrait:

"[...] C'est vraiment lui qui a introduit la musique espagnole au XXe siècle. Il a modernisé les structures très pauvres et obsolètes de notre industrie du disque et réalisé une internationalisation de notre musique jusque-là inexistante. C'était un visionnaire absolu, un perfectionniste presque pathologique. Il avait du flair pour les nouveaux talents et les nouvelles tendances qui se dessinaient, comme personne ne l'a jamais fait dans ce pays. [...] la musique espagnole a rarement connu un deuil aussi intense. [...]" traduit de cette page du site bibliotecas.unileon.es.

Les extraits du Journal de Genève et de la Gazette de Lausanne cités ci-dessus sont rendus accessibles grâce à la splendide banque de données de letempsarchives.ch, qui est en accès libre sur la toile, une générosité à souligner!

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René Gagnaux
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15 novembre 2018
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