Edouard Dufour

Edouard Dufour

19 octobre 1924
© Echo des Alpes
Michel Savioz

Nécrologie

Edouard Dufour

1855-1924

Depuis quelques années, sa santé déclinante ne lui permettait plus d'assister aux séances, et il était peu connu des jeunes, à qui il pourrait servir d'exemple. Avec lui disparaît un des derniers représentants de la grande époque de l'alpinisme. C'était l'âge héroïque. La montagne était encore redoutée ; des districts entiers étaient encore inconnus ; les rares refuges existants étaient des repaires où l'on pénétrait en rampant. Edouard Dufour fut de cette phalange d'hommes dévoués et opiniâtres qui travaillèrent à gagner la cause de l'alpinisme dans notre pays. Il fallait à la fois vaincre des préjugés tenaces, faire connaître la montagne, en faciliter l'accès. Sans prétendre s'égaler aux grands précurseurs, les Whymper, les Tyndall, les Forbes, les Moore, sur les traces de qui ils marchaient, ces hommes ont accompli modestement une tâche aussi utile, peut-être plus utile.

Son nom est indissolublement mêlé à l'histoire d'Orny et du massif du Trient. Ce beau pays, aujourd'hui l'un des plus populaires, et où nous avons presque tous, peu ou prou, fait notre apprentissage de haute montagne, était alors presque inconnu et quasi inaccessible. À l'age de dix-huit ans, Ed. Dufour, en compagnie de ses amis Javelle et Béraneck, explorait déjà la région. Dès 1874, ils songent à en faciliter l'accès et lancent le projet de la construction d'un refuge. En 1875, ils cherchent et repèrent un emplacement favorable près du lac d'Orny. La section des Diablerets ayant décidé la construction du refuge, Ed. Dufour fut chargé, en 1876, de diriger les travaux. C'est lui déjà qui avait revu et mis au point le plan original de cette première cabane. Il demeura plusieurs semaines sous la tente, s'occupant des moindres détails, veillant au ravitaillement et au confort de ses maçons et ses porteurs. Il a raconté (Écho des Alpes 1906) lui-même, dans un récit plein d'humour et de pittoresque et illustré par lui de deux ravissants croquis à la plume, l'histoire de cette construction.

Ce qu'il n'a pas dit, c'est la patience, le dévouement, la conscience qu'il apporta à cette tâche. Aussi bien, malgré les difficultés, les déceptions, les ennuis de toutes sortes qu'il avait éprouvés, il déclarait que les journées passées là-haut avaient été les plus belles de sa vie d'alpiniste.

C'est pendant ce séjour à Orny qu'il fit, soit avec Javelle, soit avec d'autres amis, Paschoud. Barrelet, Hutchinson, plusieurs premières ascensions dans le massif : le Portalet, par la face nord, la Petite Fourche, la Pointe des Ravines Rousses, etc.

Vingt ans plus tard, Ed. Dufour collabore activement à l'édification du deuxième refuge, l'actuelle cabane d'Orny. S'aidant des croquis et des dessins pris durant son séjour là-haut, il avait fait du Portalet le grand tableau au fusain qui décore notre local de Beau-Séjour.

Le 8 décembre 1920, l'Assemblée générale de la Section des Diablerets l'avait acclamé membre honoraire. À cette occasion, le digne vétéran avait fait don, pour le musée de la Section, de la pipe de terre qu'il avait eu le loisir de culotter en construisant la cabane d'Orny. C'était en attendant mieux. Par son testament, notre honoré collègue vient de léguer à la Section des Diablerets une somme de douze mille francs pour servir à la construction d'une nouvelle cabane.

Mais dès avant cet acte gracieux, il avait bien mérité de l'alpinisme et du Club Alpin Suisse tout entier.

Lausanne, 19 octobre 1924 L.S.

Archives de l'Écho Des Alpes, 1924
Organe du C.A.S

À lire:

75ème Anniversaire, Cabane de L'A Neuve, 1926-2001

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Michel Savioz
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9 février 2011
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