Femmes alpinistes Repérage

Albin Salamin
Albin Salamin

Femmes alpinistes

Le Club

Avec l'arrivée du chemin de fer, les possibilités de voyager plus rapidement et confortablement ont amené de nombreux touristes en particuliers anglais vers notre pays. C'est l'une des raisons de la création du Club Alpin Suisse, du fait de la forte participation des Anglais aux premières ascensions des Alpes suisses entre 1850 et 1960. Un des plus connu a été Edward Whymper.

Le CAS fut fondé à Olten en 1863 en réaction d'orgueil à la formation de l'Alpine Club des Anglais, en 1857. A sa fondation, le club comptait huit sections dont celle des Diablerets à Lausanne. La section de Genève fut créée en 1865.

Dès le début, les femmes ont été exclues des institutions alpines mais sur le terrain, elles ont été présentes lors de la conquêtes de nombreuses cimes. Rappelons que c'est femme de Genève, Henriette D'Angeville qui signe le premier chapitre de l'alpinisme au féminin après avoir gravi le Mont-Blanc le 3 septembre 1838.

Les Grandes Jorasses

Mais elles ont dû braver bien des préjugés et animosités. Le nombre croissant de femmes en haute montagne commençait à représenter une concurrence indésirable et une menace pour les hommes.

Pour les dames, leur soif et leur amour de la nature et de la montagne, les a amenées à fonder leur propre club le 24 mai 1918 à Lausanne, sous la présidence d'Aline

Margot-Colas, hôtelière à Montreux., déjà présidente de la section de Montreux. Le Club Suisse des Femmes Alpinistes (CSFA) était né. A ses débuts, la jeune association groupe sept sections (Montreux, Genève, Vevey, Lausanne, Neuchâtel, Lugano et La Chaux-de-Fonds) et douze en 1921, avec environ 700 membres.

L'association a pour but de développer chez les femmes suisses le goût de la montagne et de leur faciliter l'organisation de courses grandes et petites. Toute femme suisse âgée d'au moins 18 ans peut y être admise. le CAS mit un point d'honneur à ignorer l'existence du CSFA, du moins dans ses publications officielles.

Il en sera ainsi jusqu'au 1er janvier 1980, date du mariage des deux clubs ou plutôt, la fin du CSFA par absorption dans le CAS. Le 31 janvier, après l'assemblée ordinaire, le mariage des deux clubs est célébré dans la joie et l'amitié, et les rires, et les chants, et la musique. La salle est comble, mixte pour la première fois, on est au coude à coude.

L'habillement

Grâce à la collection Luc Saugy, nous pouvons suivre l'évolution de l'habillement et de l'équipement pour ces dames, dont sa mère Hélène Brandt née en 1892 qui participa à la création et à la vie du CSFA.

Mme Brandt, d'origine Neuchâteloise, chausse pour la première fois des skis à l'âge de 19 ans, en robe longue, bien sûr et avec un seul bâton. Après un séjour en Angleterre, elle est engagée comme secrétaire de clinique à Leysin. Armée de ses appareils-photo, elle parcourt à pieds et à ski les Pré-alpes ainsi que les Alpes vaudoises et valaisannes. Elle fera également des incursions au Tessin, en Italie et à Grindelwald. Son comportement et son habillement susciterons de très nombreux commentaires. En vacances à Chandolin, Hélène et une de ses amies se feront insulter et même lancer des pierres parce qu'elles osaient porter des pantalons.

A propos de l'habillement des femmes, dans La Gazette de Lausanne du 19 août 1926, il est écrit: « Il n'en reste pas moins qu'il faut respecter autant que possible, à la montagne, les sentiments de la population. Au début de l'été, en gare de Sierre, de jeunes citadines lausannoises, revenant d'une course d'école en Anniviers, étaient attifées d'une façon tout ce qu'il y a de plus baroque; l'une d'elles déjà corpulente, avait de forts souliers, de longs bas de grosse laine, une culotte masculine monumentale et difforme et là-dessus, une mince blouse, largement décolletée, laissant voir en trop grande surface, une peau mordue ardemment par le soleil. Où était la grâce féminine? Tout le monde, même des étrangers, regardaient avec pitié ou dégoût ces accoutrements. On admet aujourd'hui, même dans les trains, le costume mi-masculin porté par les femmes alpinistes, mais il y a manière et manière. La montagne est un lieu des libertés mais pas toutes. Et, quand on revient, il n'est pas difficile de passer une courte et légère jupe sur le pantalon saumure ou bouffant... ».

Jupe et pantalon

Pour bénéficier du tarif préférentiel dans les cabanes, Hélène Brandt devra adhérer au Club Alpin Français.

Quelques aventures

Pendant l'hiver 1924, cinq demoiselles se lancent à l'assaut du Nirmont dans les préalpes fribourgeoises, à partir de Châtel-Saint Denis, atteint par train. Elle font escale au refuge du Nirmont, simple chalet d'alpage. Le matin après la révision de leurs skis de 2 mètres, la mise en place de peau de phoque, elles attachent leurs skis avec des courroies et prennent leurs bâtons de noisetier ou de bambou et partent à l'assaut du sommet.

Le sommet du Nirmont

La même année, au mois d'Août, ce même groupe de femmes effectuent l'ascension des Dents du Midi, du Torrenthorn, au dessus de Loèche. Lors de cette course, elle furent prises par le mauvais temps et avec leurs jupes et la neige fraîche, elles ont dû avoir assez froid.

L'hôtel

En 1925, elle seront sept à se lancer dans un grand projet: la traversée des Alpes, de la vallée de Bagne (cabane de Chanrion) à la vallée d'Aoste, avec l'ascension du Pigne d'Arolla et le retour par Zermatt. Une course de huit jours, avec l'équipement de l'époque, c'est un vrai exploit.

Le Pigne d'Arolla

Anecdotes de l'époque

Gazette de Lausanne 16 juillet 1921« Il est des actes de sans-gêne ou d'insouciance hautement répréhensibles qu'il faut signaler, ne fût-ce qu'à titre d'avertissement et d'exemples à éviter: tel le lavage des pieds auxquels procèdent certains alpinistes dans les bassins des alpages; tel ce bain complet que deux femmes, qu'on dit fort élégantes, ont pris dans le bassin de la fontaine du pâturage de la Forclaz, commune du Châtelard, qui ont forcé l'armailli, qui par discrétion, n'est pas intervenu, à vider le bassin et à le nettoyer, en dépit de la grande pénurie d'eau. »

Journal de Genève 29 mars 1920

« A propos de la conquête du Mont-Blanc par la Genevoise Henriette D'Angeville le 3 septembre 1838 : Venant à sa rencontre, le syndic des guides lui adressa un compliment pour le moins ambigu: sans doute Mademoiselle, vous avez eu un grand mérite à aller au Mont-Blanc, mais il faut convenir que le Mont-Blanc en aura bien moins maintenant que les dames y montent, »

Gazette de Lausanne 10 août 1921

« Le 1er août, Melle Hélène Brandt, de Vevey, accompagnée du guide Alexandre Perren, a fait l'ascension du Cervin par l'arrête de Zmutt et le 5 août, elle a gravi avec les frères Perren, la Dent-Blanche par l'arête de Vieresel. La couche de neige atteignait par endroits 10 à 20 centimètres. »

Cervin et Dent-Blanche

Merci à Monsieur Luc Saugy.

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