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L. van BEETHOVEN, Symphonie No 1, OSR, Ernest ANSERMET, mai 1956, MONO

mai, 1956
Disques DECCA
René Gagnaux

Illustrant ce fichier audio: Ernest Ansermet en 1959, Photographie de Hans Wild illustrant un article paru dans la revue américaine High Fidelity & audiocraft en mars 1959, scannée et retravaillée par Claude-André Fradel.

L' intégrale des symphonies de Beethoven sous la direction d'Ernest ANSERMET, le tout début de l'histoire...

C' est en mai 1956 qu'Ernest Ansermet peut enfin enregistrer pour la première fois une symphonie de Beethoven pour le disque, plus exactement les symphonies No 1 et No 8. D'après les discographies de Michael Gray et de Philip Stuart ces enregistrements ont été fait aussi bien en monophonie qu'en stéréophonie, par des équipes séparées, mais bien entendu pendant les mêmes sessions - Pr: Victor Olof Eng: Gil Went (mono), James Brown (stéréo), début mai 1956, Victoria-Hall de Genève.

Le disque n'est d'abord sorti qu'en monophonie, en octobre 1956 sur le DECCA LXT 5232 et en décembre 1956 sur le DECCA LONDON LL 1493, puis fut réédité une seule fois - à ma connaissance - en monophonie, en juin 1960 sur le Decca London CM 9162.

La pochette du DECCA LONDON LL 1493 est splendide, son motif est identique à celui de la pochette du DECCA LXT 5232 et du LONDON CM 9162:

Recto de la pochette du disque DECCA LONDON LL 1493

La première édition en stéréophonie était prévue pour 1959 sur le Decca SXL 2140, mais ce disque n'est jamais paru: on n'en connait plus la raison exacte. C'est l'année suivante - en juin 1960, donc en même temps que la réédition en mono - que les versions stéréo paraissent sur le London CS 6120 - probablement à un tirage réduit, ce disque étant depuis longtemps quasiment introuvable. Il y a eu au moins une réédition sur Decca London STS 15032, dans la "STEREO Treasury Series", reconnaissable aux désignations de matrice, qui sont les mêmes que celle du CS 6120.

À souligner: Si vous pensez posséder - ou avoir l'occasion d'acheter - un exemplaire d'un de ces disques historiques, il est extrêmement important de vérifier la désignation de matrice, car bien des vendeurs, discographies et autres mélangent allégrement les enregistrements de 1956 et de 1963! Les enregistrements de 1956 sont marqués ZAL 3216/3127, ceux de 1963 ZAL 6161/6162.

Aussi bien les deux enregistrements monos que les deux enregistrements stéréos de 1956 ne sont jamais parus sur CD, très certainement parce qu'Ernest Ansermet a choisi de réenregistrer ces deux symphonies en 1963, à la fin de son intégrale des symphonies de Beethoven. Tout-à-fait compréhensible, car il ne faut pas oublier qu'en 1956 l'enregistrement stéréophonique n'était qu'à ses débuts - seulement deux ans après le premier enregistrement en stéréophonie de Decca, en mai 1954 avec le célèbre "Wilkinson/Decca Tree". Les enregistrements de 1956 ont une valeur historique, mais leur qualité technique montre bien son âge...

J'avais restauré l'enregistrement mono avant d'enfin trouver un exemplaire du disque stéréo, c'est pourquoi je vous propose les deux! Il s'agit de restaurations assez anciennes, publiées sur mon site en juin 2009 - en mono - et février 2010 - en stéréo.

Des symphonies de Beethoven, la première est certainement celle qu'Ernest Ansermet a le moins souvent dirigé - d'ailleurs c'est une symphonie qui a depuis toujours été assez négligée par la plupart des chefs d'orchestre, peut-être tout simplement parce que c'est celle qui est la moins demandée en concert?

Dans le programme d'un concert de l'Orchestre de la Suisse Romande du dimanche 16 janvier 1921 - 9e concert populaire donné dans la salle communale de Plainpalais, sous la direction d'Ernest Ansermet - fut publiée la description suivante de cette symphonie, un texte de Ferdinand Held (*):

"[...] la Symphonie en ut nous fait assister aux premiers pas de Beethoven sur le terrain orchestral, car il n'avait, à cette date du 2 avril 1800, encore écrit pour orchestre que deux cantates et des accompagnements de concertos. Il venait cependant d'atteindre la trentaine, âge où des maîtres tels que Schubert et Mozart avaient déjà fourni, l'un ses neuf symphonies et l'autre toutes les siennes, sauf trois, les plus belles il est vrai. Beethoven s'est occupé sérieusement de cette première symphonie à partir de 1797 et la neuvième a été terminée en 1824. Ces neuf impérissables chefs-d'oeuvre ont donc été enfantés de sa vingt-sixième à sa cinquante-troisième année.

Dans les livres d'esquisses du maître, précieuses reliques publiées par Nottebohm, on trouve un premier canevas de symphonie déjà en 1794, mais cet essai ne fut pas poussé plus loin. Le carnet de 1795 contient, au verso d'une feuille sur laquelle Beethoven s'exerçait à écrire des fugues à l'intention d'Albrechtsberger, son maître de contrepoint, une première esquisse du finale de la première symphonie, et il semble que cette ébauche ait été pour notre compositeur la récréation après le devoir accompli.

Cinq ans plus tard, Beethoven dirigeait pour la première fois son oeuvre à un concert donné à Vienne. Il y avait aussi au programme le fameux Septuor, que sa prodigieuse popularité devait si vite faire prendre en grippe par son auteur. Ces deux oeuvres furent vendues vingt ducats chacune (472 francs au total) à l'éditeur Hofmeister.

La Symphonie en ut majeur, qui nous paraît si simple et si claire aujourd'hui, fut jugée très hardie à son apparition. Les uns la louèrent précisément pour ses hardiesses, mais les autres la blâmèrent, déclarant que c'était une caricature de Haydn poussée jusqu'à l'absurdité, que les instruments à vent y jouaient un rôle exagéré, etc., etc. Le début de l'oeuvre (les douze mesures d'adagio avant le premier allegro) nous paraît aujourd'hui le comble du classique. Croirait-on que les Beckmesser du temps firent un crime à l'auteur de n'avoir pas d'abord posé le ton du morceau, selon la bonne règle, sur un accord de tonique, au lieu de débuter par cet accord effronté de la dominante de fa, avec son si bémol et sa résolution! Beethoven, en guise de réponse, s'empressa de recommencer l'année suivante, dans son ouverture de Prométhée.

Pour une oeuvre aussi connue, on ne saurait s'arrêter qu'aux endroits du texte où perce déjà le musicien créateur. Au premier allegro de forme traditionnelle, il y a une courte apparition du véritable Beethoven au second thème, à ce joli épisode des basses pianissimo, régies par de géniales modulations. Dans l'andante, si riche en mélodies et en sonorités délicieuses, la manière dont les timbales sont accordées parut une véritable innovation; mais le mouvement le plus original pour l'époque fut le menuet, qui demeure le premier exemple connu de scherzo orchestral, tout en restant encore dans le cadre traditionnel. Beethoven s'était du reste déjà essayé à cette forme nouvelle dans trois de ses quatuors à cordes.

Rien de plus Haydn que le finale, et sa spirituelle vivacité. Il y a, tout au début, une série de faux départs des violons qui est la plus amusante du monde. Trois notes, puis quatre, cinq , six, sept.... avec des silences humoristiques à chaque effort du petit trait pour grandir, jusqu'à ce qu'enfin l'escadron léger des cordes s'échappe, emporté par son thème joyeux. L'effet est difficile à rendre et bien des chefs d'orchestre n'en ont pas saisi l'intention facétieuse. Du temps de Beethoven, l'un d'eux même (un nommé Türk, qui opérait à Halle) supprima carrément ces six mesures d'introduction, ne voulant pas, disait-il, faire rire ses auditeurs. Qu'aurait dit ce Türk sans façons s'il avait pu prévoir Chabrier!

F.Held (chronique du Journal de Genève) [...]"

Pour le programme complet voir cette page de l'excellent site onstage.

D'après ce que j'ai pu trouver sur la toile jusqu'à maintenant, ce concert du 16 janvier 1921 fut probablement le premier concert dans lequel Ernest Ansermet dirigea cette symphonie No 1 de Beethoven.

Quelques 35 ans plus tard - en mai 1956 - il l'enregistre pour le disque, son premier enregistrement devant faire partie de l'intégrale des symphonies de Beethoven, mais qui à la fin ne fera pas partie de l'intégrale publiée. La prise de son de Decca fut réalisée - comme d'habitude - au Victoria Hall de Genève.

Étiquette recto DECCA LONDON LL 1493

En voici donc d'abord la version publiée en monophonie, telle que parue en décembre 1956 sur le recto du disque DECCA LONDON LL 1493 (désignation de matrice: ARL 3126-1A)...

Ludwig van Beethoven, Symphonie No 1 en ut majeur, Op. 21, Orchestre de la Suisse Romande, Ernest Ansermet, mai 1956, Victoria-Hall, Genève

1. Adagio molto - Allegro con brio 08:41 (-> 08:41)

2. Andante cantabile con moto 06:25 (-> 15:06)

3. Menuetto. Allegro molto e vivace 03:36 (-> 18:42)

4. Finale. Adagio - Allegro molto e vivace 05:34 (-> 24:16)

Provenance: DECCA LONDON LL 1493, ARL 3126-1A

Pour la suite de l'histoire, aller sur cette page (http://www.notrehistoire.ch/medias/113428)

(*) Ferdinand Held, 1856 - 1925

Fils de commerçants genevois, Ferdinand Held travailla pendant plusieurs années au Crédit Lyonnais. "[...] Mais les comptes courants n'étaient pas son affaire et la musique le guettait. Il avait suivi comme élève les classes du Conservatoire et plus tard il parachevait ses études de piano et d'harmonie avec Hugo de Senger, dont il était resté un ami fidèle.[...]"

En 1884 Ferdinand Held débute au Journal de Genève comme critique musical, par la suite chroniqueur et feuilletoniste: il va y rester pendant une trentaine d'années.

En 1892, après la démission du Dr Girard, Ferdinand Held est appelé à la direction du Conservatoire de Musique, qu'il va diriger pendant 33 ans, jusqu'à son décès:

"[...] la direction du Conservatoire de Musique, auquel il voua désormais toutes ses forces et toute son intelligence. Il y révéla aussitôt de rares qualités d'organisation, une compétence indiscutable et une volonté singulièrement féconde. Rapidement, notre modeste école de musique se développait de la façon la plus heureuse dans un sens plus artistique, grâce à la création de cours théoriques jusqu'alors très négligés et une meilleure coordination des programmes. C'est à Ferdinand Held qu'on doit, entre autres, l'introduction du solfège Chassevant et l'organisation des classes de virtuosité, qui comptèrent d'illustres professeurs comme Henri Marteau, F. Berber, Hugo Heermann, Szigeti, Stavenhagen, Marie Panthès, Vianna da Motta et d'autres encore.

Pendant trente-trois ans son activité prodigieuse ne fut jamais en défaut et par sa direction ferme et bienveillante il eut le rare mérite de se concilier la confiance absolue du comité, l'estime et la reconnaissance des professeurs et des élèves; combien de ces derniers bénéficièrent de sa générosité. Ferdinand Held eut la sagesse de ne pas se laisser submerger par ses absorbantes fonctions. Possesseur d'une riche bibliothèque, lecteur infatigable, il ne cessait de se tenir au courant de toutes les manifestations de l'art: aucune production littéraire ne le laissait indifférent et il était fort amateur de peinture. Et ce n'est pas tout: entomologiste averti, Ferdinand Held trouvait en été un délassement salutaire à parcourir nos Alpes, la coiffe verte à la main, à la poursuite de papillons rares, pour enrichir sa superbe collection de lépidoptère. Ces notes hâtives sont bien insuffisantes pour rappeler les faces multiples de l'activité de celui qui vient de nous quitter. Nous ne voudrions pas les terminer sans dire un mot de l'homme privé. Tous ceux, et ils sont nombreux, qui ont eu le privilège d'être reçus par Ferdinand Held dans sa superbe propriété du Vallon conserveront le souvenir de son urbanité exquise, de la chaleur de son accueil et de la fidélité de son amitié. Ferdinand Held fut un citoyen excellent, utile à son pays, et son départ laisse un vide très sensible dans notre vie genevoise. [...]"

Les citations ci-dessus proviennent du court hommage qui lui fut rendu dans le Journal de Genève du vendredi 1er mai 1925 en page 5, colonne de droite, accessible grâce à la splendide banque de données de letempsarchives.ch, qui est en accès libre sur la toile, une générosité à souligner!

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René Gagnaux
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3 mai 2018
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