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Mes Souvenirs en Anniviers, 1944-1957

14 mars 2010
Anniviers, Suisse
© Luc saugy
Luc Saugy

Témoignage

L S

Faire monter sa famille à pied à Zinal n'était pas un problème, Hélène Brandt, mère de Luc Saugy, l'avait fait quelques fois avant son mariage; pour corser l'affaire, la famille partit de Sion à pied, avec escale sans doute à Evolène ou à la Forclaz, puis traversa sur Grimentz et ensuite Zinal. Cette photo montre l'étape dans un chalet d'alpage (Tzigière) au Pas de Lona.

Grimentz en 1944.

Zinal en 1944.

Le camp fut installé au fond de la plaine de Zinal, sur la rive droite de la Navizence, à 2 pas de la rivière. En 1942, Les parents de LS avaient conçu et cousu eux-mêmes une tente canadienne juste dimensionnée pour leur famille, divisible en éléments, pour pouvoir être portée plus facilement, toile de fond, tente principale, double toit et avant toit. Chacun en portait un morceau et chacun avait son sac de couchage, fait maison, rembourré de laine cardée; pas de matelas pneumatiques, pas encore inventés.

Pour la cuisine, un réchaud « Primus » fonctionnant à l'essence légère, au démarrage très aléatoire.

Et la famille monta aux cabanes de Tracuit

... Du Petit Mountet,

Et enfin, au Grand-Mountet.

La descente vers Sierre se fit par Grimentz et la rive gauche de la vallée ; interminable, cette suite de vallons latéraux plongeant vers la Navizence…

Passage à Pinsec, hameau tellement en pente qu'il se racontait que les poules y étaient ferrées et les crottes de chèvres tenues par des allumettes !

Le petit Luc n'y croyait pas tellement, mais se souvient avoir vérifié du coin de l'œil en passant.


Pinsec en 1944.

À Vercorin, n'ayant plus rien à manger, la famille avait été prise en pitié par un villageois qui l'avait nourrie de viande séchée. Restait à descendre de Vercorin à Chalais, en plaine, par le chemin muletier passant devant la ravissante chapelle du Bouillet, et à marcher jusqu'à la gare de Sierre !

Vercorin en 1944.

Ah, cette traversée de la plaine du Rhône, pour monter au val d'Anniviers ou pour rentrer ; elle est associée à tous les souvenirs de l'auteur et de sa sœur : De la gare de Sierre, la route passait le long du lac de Géronde pour atteindre Chippis, où il y avait une avenue planté de mûriers (curieux, les souvenirs qui restent !). Puis un mauvais chemin raide grimpait le long de l'usine d'aluminium en la surplombant, pour monter par un raccourci vers le village de Niouc et la route carrossable.

Pour rejoindre Chandolin, il fallait grimper par Soussillon depuis les Pontis, ou par le village de Fang. Il y avait bien une autre solution plus onéreuse, celle de prendre la poste qui s'arrêtait à Saint-Luc jusque vers les années 60. La suite du parcours devait se faire à pied, à dos de mulet remplacé ensuite par la jeep du postier, ici à Vissoie

Comment son ami AdB avait-il découvert ce village de Chandolin encore peu connu en 1945-50 ? Il l'avait guidé jusqu'à Planpraz, là où aboutit la route maintenant, parking, commerces, etc…, et LS avait planté sa petite tente au bord d'un petit bisse à 2 pas de la forêt de mélèzes. Marche à Tignausa, puis la plaine Madeleine jusqu'en bordure de l'Illgraben,

et vertigineuse plongée dans ce gouffre sauvage survolé par un aigle. Montée à l'Illhorn et à Bella-Tola ; vue plongeante sur le lac-bijou enserré entre les 2 sommets. Et toujours, en fond de vallée, les 4000 anniviards avec la tête du Cervin se dressant derrière eux.

En Juin d'une autre année, le souvenir de la plaine Madeleine bleue d'asters… Et en Octobre, le feu des forêts de mélèzes jaunes-or ! Une fin d'après-midi d'été, ils avaient croisé Ella Maillart et avaient bu un verre avec elle, LS était très intimidé par cette exploratrice. Un souvenir encore de Chandolin : une raclette monumentale à l'hôtel Pont ; les participants s'étaient cotisés pour le curé. Combien de fois LS est-il monté ainsi à Chandolin ?

En été 1950 une tentative au Grand Cornier était entreprise et ils avaient passé une bonne soirée à Moiry, avec le gardien Jean-Baptiste Salamin, coiffé d'un bonnet à pompon tricoté, jouant de l'ocarina pour ses hôtes après avoir rangé sa cuisine.

Jean-Baptiste Salamin, collection © Clément Salamin

Cabane de Moiry, 1927

LS rejoignait ses parents à Chandolin en Octobre 1951, puis montait à pied avec Adrien Bonjour à la cabane du Mountet par Saint Luc, Ayer et Motec, en suivant les chemins muletiers. Ils ambitionnaient raisonnablement une ascension du Besso. Aux derniers mélèzes, avant le Petit Mountet, ils ramassaient du bois mort pour le feu, économie !

Le Besso, en montant à la cabane du Mountet.

Au Mountet, atmosphère glaciale, bien sûr, et ciel très bas. Le lendemain, tempête de neige et brouillard interdisaient tout projet d'ascension.

Une éclaircie en fin de matinée permettait de songer au retour, et c'est à la tombée de la nuit, après des heures d'errances à trébucher sur les blocs morainiques cachés par la neige fraîche, que la cabane du Petit Mountet fut atteinte, fermée, bien sûr ; un volet et une fenêtre forcés pour y passer la nuit. Au passage à Ayer, le lendemain, le propriétaire était bien sûr indemnisé !

Eté 1952, année du bac, LS et un camarade bachelier, forts de l'expérience acquise avec l'OJ de Lausanne et de Montreux, montaient à la cabane du Mountet, à pied sans doute, depuis Sierre.

Ils commencaient par l'arête Ouest du Besso, qu'Hélène Brandt, avait faite en Septembre 1925 avec un ami anglais. Beau succès, qui les encourageait à se lancer ensuite dans un aller-retour au Rothorn par son arête Nord, itinéraire classique débutant par l'arête neigeuse de Moming, à la courbure très esthétique : seule cordée sur cette belle arête de gneiss, aux gendarmes bien caractéristiques, baptisés « sphinx » et « rasoir », et finalement un beau mur, sous le sommet, par temps superbe. Au sommet, ils bavardèrent avec 2 garde-frontières venus de Zermatt un jour de loisir.

Le Rothorn se profilant contre le Weisshorn, vus depuis l'Obergabelhorn.

Quelques mots sur l'équipement de l'époque : les cordes en nylon venaient d'apparaître, très chères, et LS se contentait de la corde (12 mm) en chanvre de sa mère…Vestes en duvet rares et chères, hors de portée de sa bourse, casques de montagne inconnus, pas de lampes frontales, pas de baudrier bien sûr, chaussures (semelles vibram d'invention récente) prenant facilement l'eau, crampons sans pointes antérieures, et goretex inconnu… Juste 2-3 pitons, un marteau et 1 ou 2 mousquetons, car on ne sait jamais ; et une lampe pliable à parois en mica et bougie.

Après un jour de repos, Oscar Vianin, le gardien, fils de Jean , dit "Jean des Neiges", qu'avait connu Hélène Brandt en 1925, leur suggérait de faire l'Obergabelhorn dont l'arête neigeuse Nord s'atteint en passant par une masse rocheuse, « le cœur », avec descente habituelle par l'arête Ouest et le Mont Durand.

Gérard, Oscar & Jean Vianin, dit "Jean des Neiges", en 1943

© Collection particulière d'André Groux, Lausanne

Par chance, cet été-là, les rimayes du glacier descendant depuis le col entre Obergabelhorn et Mont Durand étaient bien fermées, et Oscar Vianin leur avait suggéré de descendre directement ; il y avait tout de même 2 belles dénivelées à sauter, impressionnantes. Ce fut une semaine bien remplie ; aux innocents les mains pleines, ils avaient gagné leurs galons !

En Juillet 1953, LS et un autre camarade, JPG, montaient à la cabane Tracuit, tenue par Edouard Vianin, le frère d'Oscar du Mountet. Temps mitigé ; comme entraînement, ils faisaient le Bieshorn avec un groupe de Lausannois ; ils avaient ainsi la vue sur l'arête Nord du Weisshorn, leur but ; beaucoup plus impressionnant que le Rothorn ou l'Obergabelhorn. Hélas, le mauvais temps semblait s'installer. Lever à 3 heures, puis recoucher jusqu'à 7 heure pour constater un temps superbe ; trop tard pour s'embarquer pour le Weisshorn…

L'arête Nord du Weisshorn et son grand gendarme.

Mais non ! Edouard Vianin leur conseillait de faire l'aller et retour de l'arête Nord en montant directement au col entre Bieshorn et Weisshorn, les rimayes étant bien comblées.

La cabane Tracuit avec le Bieshorn à gauche et l'arête Nord du Weisshorn à droite.

« Ne prenez qu'un sac pour deux, il fait beau, c'est jouable, si vous marchez vite ! », et il avait préparé le casse-croûte. Bien entrainés, la montée au col était une formalité, et alors commencèrent les affaires sérieuses: le « Grand Gendarme », clef de l'ascension, fut contourné par la gauche, au-dessus du vide impressionnant de la face Est, et l'arête retrouvée.

La pointe du Rothorn, depuis le début de l'arête Nord du Weisshorn.

Ce fut alors la voie royale de l'arête neigeuse, entre ciel et terre, sous un ciel bleu ; demi-tour rapide au sommet et retour par la même voie, le contournement du « Grand Gendarme » étant plus délicat à la descente qu'à la montée, plus la fatigue. Au col, l'après-midi était déjà bien avancé, et c'est à la nuit qu'ils arrivaient sur la moraine à un quart d'heure de la cabane ; surprise, Edouard Vianin les attendait, assis sur un caillou, avec un thermos de vin chaud… ça ne s'oublie pas. Le souper et une bouteille de fendant les attendait.

Le lendemain, Edouard leur demandait où ils allaient ; sans réponse, il désignait du menton la Dent Blanche en ajoutant : demandez à Oscar comment elle est. Et, à Mountet, Oscar encourageait LS et son camarade à tenter l'ouverture de l' « arête des 4 Ânes ».

La Dent-Blanche, depuis la cabane du Mountet. L'arête des « 4 Ânes », à gauche, s'atteint par le pilier au centre.

Tout à gauche, la Pointe-de-Zinal.

Oscar expédiait ses hôtes au lit à 22 h. en battant le tambour, moins harmonieux que l'ocarina de Jean-des-Neiges à Moiry ! Lever à 3 heures et traversée du glacier pour trouver le pied du pilier / contrefort montant à l'arête Est venant de la pointe de Zinal. C'était un début délicat, mais une vieille fiche en bois leur montrait qu'ils étaient sur la bonne voie. Le temps était maussade, venteux, mais pas franchement menaçant, juste désagréable. L'arête Est atteinte, ils arrivaient au passage clef, une portion d'arête horizontale avec une double corniche, comme les branches d'un palmier ; monstrueuse et incontournable versant Schönbühl, plus petite et ménageant un passage inférieur, sorte de trottoir étroit suspendu au-dessus de l'à-pic vertigineux de la face Nord… Que faire ? continuer était la moins pire des solutions, mais qu'allaient-ils trouver au bout de la corniche ?

N'écoutant que son courage qui ne lui disait rien, LS y allait en rampant plus qu'en marchant, et arrivé en bout de corde, faisait venir JPG, sans possibilité d'assurage ; restaient encore quelques mètres pour parvenir aux rochers. Le reste de l'arête était relativement aisé, mais désagréable par le vent faisant remonter la neige et les débris de glace arrachés aux rochers. Poignée de main au sommet, un grand signal pour Oscar Vianin qui avait promis de les suivre avec sa longue vue (antiquité en cuivre qui avait dû appartenir à son père !), quelques fruits secs et descente par l'arête Sud réputée facile, qu'ils ne connaissaient pas.

La Dent-Blanche depuis l'Obergabelhorn ; l'arête des « 4 Ânes » est au milieu,

L'arête Sud, itinéraire de descente, à gauche. Au fond, le Mont-Blanc.

Là aussi, le passage clef était le contournement d'un gendarme, mais moins vertigineux qu'au Weisshorn, avec un vague surplomb malaisé à descendre. La nuit étant tombée, LS et son camarade durent chercher un peu dans les gros blocs rocheux de l'extrêmité de l'arête Sud pour distinguer la forme de la cabane. Et des alpinistes inconnus les accueillaient en leur offrant une soupe bien épaisse, belle fraternité ! Ils crevaient de faim, après une journée de 20 heures ! Retour à la maison, la mère de LS découvrait l'ascension de son fils dans la presse et lui révèlait qu'elle avait été la première femme à faire les 4 « Ânes », en 1921, avec un guide, depuis la cabane Schönbühl. Le témoin était passé …

En Octobre, LS remontaient à Tracuit avec son ami AdB pour le Bieshorn ; atmosphère glaciale dans la cabane. La montée au Bishorn se passait bien, en suivant les traces laissées par les alpinistes de l'été, mais le temps se couvrait rapidement et la descente se faisait dans le brouillard : sans boussole, trace perdue, ils dérivaient à gauche jusqu'à rencontrer les premières crevasses de la chute de séracs du glacier de Bies ; demi-tour jusqu'à retrouver les vieilles traces…Même l'ascension d'un 4000 pour dames peut être fatale par mauvais temps.

Cette même année 1953, à Noël / Nouvel-An, LS se retrouvait en famille à Chandolin ; peu de neige, mais soleil permettant de jolies promenades, avec toujours les 4000 anniviards en fond vallée.

Un soir, un montagnard bûcheronnant vers le chemin de Soussillon glissait sur le chemin englacé et se tuait. Tout le village était en deuil, et tous les Anniviards de la vallée était présents pour ses obsèques, venus de Sierre et de tous les villages. Silence total, oppressant et tristesse infinie du glas dans un tel site… Il s'appelait Candide Main ; pourquoi LS se souvient-il encore de ce nom ?

Ces obsèques (ici la tombe à gauche) étaient l'occasion de retrouvailles et tous s'étaient réunis à la pension du Chamois pour boire un coup, et pas qu'un… Certains n'étaient partis que le lendemain !

L'occasion ici de dire que les Anniviards étaient des migrants, montant dans les alpages et mayens pour l'été, et redescendant en hiver ; à Sierre, ils étaient groupés ensemble dans un même quartier. On parlait alors de "Remuage".

Le Remuage*,1956.*

1954 : En Juillet, LS avait envie de retourner sur l'arête Nord du Weisshorn ; ils étaient 5 à monter à la cabane Tracuit, puis montaient très tôt au Bishorn dans l'espoir de continuer ensuite sur le Weisshorn. Mais le temps ne s'arrangeant pas deux rebroussaient chemin et 3 poursuivaient jusqu'au pied du grand gendarme, pour se donner encore une chance. Mais la couverture nuageuse baissant de plus en plus, eux aussi faisaient demi-tour. Le lendemain, tous descendaient attendre un changement de temps à la cabane d'Arpitteta, appartenant alors aux guides d'Anniviers, avec un aller-retour à Zinal pour la météo et le ravitaillement.

Face Est et arête Nord du Weisshorn. Le plafond nuageux baisse, il faut faire demi-tour …

Le lendemain, tous descendaient attendre un changement de temps à la cabane d'Arpitteta, appartenant alors aux guides d'Anniviers, avec un aller-retour à Zinal pour la météo et le ravitaillement.

Cette cabane est le point de départ de l'arête Young, contrefort aboutissant au « Grand Gendarme » de l'arête Nord du Weisshorn, dernier espoir ! Y errait un pauvre mulet esseulé.

La météo n'étant pas favorable, un abandonnait et quatre filaient à la cabane Moiry : J.-B. Salamin leur faisait passer une bonne soirée, avec l'escalade de la pointe de Mourty plus accessible et moins élevée en prime.

Et la semaine se terminait dans le Val d'Hérens.

En Octobre 1954, LS montait à la cabane du Mountet, avec AdB , depuis Chandolin, par un temps superbe, ciel bleu sans nuage et mélèzes en feu. Mais en Octobre, les jours sont courts et les nuits déjà glaciales. Leur but était de faire l'Obergabelhorn par le « cœur » et l'arête Nord, aller et retour.

L'Obergabelhorn, en montant à la cabane du Mountet.

L'arrivée sur l'arête Nord après avoir surmonté le « cœur » fut un éblouissement, face à la Dent Blanche; ne restait plus qu'à monter l'arête neigeuse, vierge de toute trace,

pour se retrouver devant la face Nord du Cervin, un choc !

Ce 20 Octobre, il n'y avait personne sur les 4000 voisins, et peut-être bien sur aucun 4000 des Alpes. Un ciel parfaitement pur et calme, pas un souffle d'air ; LS se souvient avoir allumé une cigarette (Gauloise jaune filtre) avec une allumette.

Le massif du Mont-Rose et la Dent d'Héren encadrent le Cervin, à l'Est et à l'Ouest.

A la descente, AdB cassait son piolet, ce qui obligeait LS à recreuser de vraies baignoires et à bien assurer chaque longueur; ils se retrouvaient à la nuit au pied du « cœur » à terminer au clair de lune.

L'arête Nord de l'Obergabelhorn, avec dans son prolongement, derrière la moraine, le minuscule point noir de la cabane du Mountet.

Le lendemain, retour à Sierre, avec l'inévitable traversée de la plaine du Rhône. AdB retournait un été en solitaire à l'Obergabelhorn, et là, ce fut chaud, si l'on peut dire en parlant d'un 4000. Il en a laissé le récit dans « Les Alpes ». En solitaire aussi, il faisait le Weisshorn par l'arête Est ! Comme l'a écrit Samivel, ne sachant pas que c'était glissant, il ne glissait pas !

Adrien Bonjour

En Janvier 1955, une jolie course à skis, depuis Nax, la cabane du Mont Noble, le Bec des Bossons et Brente se terminait à Vercorin ; puis descente vers Chalais par le chemin muletier, assis « en sorcière » sur les bâtons et l'inévitable traversée de la plaine du Rhône jusqu'à la gare de Sierre.

Vercorin.

En Juillet 1955, LS montait à la Dent Blanche avec AdB, aller et retour par l'arête Sud, qu'il avait descendue en 1953 après l'arête des 4 Ânes. Il traversait ensuite seul vers le val d'Anniviers et montait à la cabane du Mountet rejoindre une camarade du CSFA pour y faire la traversée du Zinalrothorn. Pendant la nuit un orage très violent éclatait : foudre illuminant tout le cirque des 4000, tonnerre assourdissant, feu de Saint Elme gigantesque au sommet du mât; ne manquait plus qu'une ouverture de Wagner en accompagnement musical…Bel abri qu'une cabane du CAS ! Mais à 6 heures, le temps était beau, un peu nuageux et ils se mettaient en route pour l'arête Nord du Rothorn, par le Blanc de Moming et les gendarmes classiques.

Le Rothorn de Zinal, à gauche l'arête Nord se confondant avec celle du Weisshorn et à droite l'arête Sud descendant vers Zermatt,

depuis l'Obergabelhorn.

Au sommet, des nuages menaçants les incitaient à ne pas traîner ; sur l'arête Sud, l'orage les rattrapait et ils se réfugiaient précipitamment en contrebas, blottis sous une toile de plastique après avoir ancré sacs, piolets et crampons à distance ; et la nature se déchaînait bruyamment et dangereusement, avec la foudre frappant au-dessus de leurs têtes. Après un quart d'heure, la descente pouvait se poursuivre, en suivant d'anciennes traces sur le glacier, jusqu'à la cabane du Rothorn. ; le lendemain, destination les Mischabels.

Le massif des Mischabels, de l'Obergabelhorn.
Toujours en 1955, LS montait pour 2 semaines à Ayer en école de recrue, renvoyée de 2 ans pour cause d'études; un vrai plaisir, en pays de connaissance. Petite guerre dans la plaine de Zinal, puis descente à pied à Sierre, avec la traversée habituelle de la plaine du Rhône. C'était l'occasion de renouer avec Edouard Vianin autour de quelques bouteilles, et avec JPG, le compagnon de l'arête Nord du Weisshorn et des « 4 Ânes », qui payait son galon de lieutenant.

Printemps 1956 : la semaine avant Pâques, LS et AdB montaient à la cabane du Mountet, en skis ; Ils s'y retrouvaient seuls, avec un temps superbe ; leur but était de monter à la Pointe de Zinal.

Cette dent curieusement crénelée. La neige était épaisse, scellant bien crevasses et rimaye, et le col entre le mont Durand et la Pointe de Zinal atteint sans difficulté. La montée finale se fait par une sorte de couloir-cheminée où ils avaient de la neige jusqu'aux oreilles, littéralement. Hélas, pas une photo n'immortalise cette jolie course à skis.

La Dent-Blanche et à sa gauche la Pointe-de-Zinal, de l'Obergabelhorn.

1957 : LS quittait la Suisse, engagé comme géologue dans une grande compagnie pétrolière française ; une page était tournée, avec la fin de moins de 10 ans d'activité alpine intense. Un regret, n'avoir pas fait l'intégrale de la « Grande Couronne »…

F I N

Luc Saugy © Anniviers

Photographies © Familles Saugy, Ad. Bonjour, J.-P. Gaillard, J.-L. Blanc, Gertrude Massy et Michel Savioz.

Avec la participation d'Albin Salamin et Michel Savioz, mars 2010.

À lire également du même auteur: La Guerre de mon père

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  • Charles Henri Zufferey

    La tragique fin de Candide Main (précisions au sujet de l’accident) Candide Main avait épousé Cécile (Caloz) la tante de ma mère. C’était donc mon grand-oncle. Voici ce qui me reste en mémoire au sujet de sa fin tragique en 1953 (?) peu avant le Nouvel-An. Ce jour de décembre, Candide avait fait boucherie avec d'autres chandolinards. Ils avait placé les entrailles de la bête dans une hotte. Après avoir nettoyé le local, les ustensiles et placé la viande dans des saloirs, Candide partit à la tombée de la nuit avec sa hotte sur le dos en direction du dévaloir situé à l'est du village, à l’endroit où débouche le sentier en provenance de Soussillon. Il faisait très froid ce jour-là et la température à la nuit tombée était bien en-dessous de zéro. Arrivé au haut du dévaloir, lorsqu'il voulut déverser le contenu de sa hotte comme il le faisait d'habitude en l'inclinant par dessus son corps, le contenu qui avait gelé fit bloc avec la hotte, qui agit comme un balancier et entraina Candide avec elle dans le précipice. Sa femme ne le voyant pas revenir le lendemain matin, alerta les villageois qui partirent à sa recherche et découvrirent les traces de la chute. Le corps fut remonté avec de grandes difficultés. Une croix indique encore aujourd’hui l'emplacement de l'accident. L'oncle Candide et la tante Cécile avaient eu cinq enfants : Yvonne (1921) Pierre (1923) Agnès (1925) Marthe (décédée enfant) et Mariette (1930). Tous ont quitté le village pour gagner leur vie ailleurs. Pierre vécut à Genève, où il exerça le métier de wattman pour les TPG. Yvonne et Agnès se sont également établies à Genève. Mariette épousa un industriel du Jura bernois. Je vous félicite pour ce magnifique site, bien construit et passionnant à lire. Les photos sont de grande valeur. J'apprécie la manière avec laquelle les "étrangers" que ce soient les Bonjour, Saugy, Bille, Maillart ou autres...se sont intégrés à la population de Chandolin dans les années 50. Je trouve que ce site rend bien compte du respect que les "touristes" éprouvaient pour les villageois qui devaient gagner durement leur vie en ce temps-là. Encore merci pour cette approche ... Bien à vous. C H Zufferey

  • Michel Savioz