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Ayer, la mobilisation de 1939 : des larmes aux rires

3 septembre 1939
Mariette Tabin-Melly, collection Pierre-Marie Epiney
Pierre-Marie Epiney

Avec un évident talent de conteuse, Mariette Tabin-Melly, nous fait revivre ici le climat qui a prévalu à Ayer le jour de la mobilisation générale, sauf erreur le 2 septembre 1939.

Ce document fait partie de deux CD réalisés à l'occasion des 90 ans de Mariette Melly-Tabin. Ma tante est magnifique de spontanéité : à l'entendre, on croirait assister vraiment à cette mobilisation qui a marqué les esprits !

Félix Epiney (à gauche) et Georges Melly, le père de Mariette, pendant la mobilisation.

Selon tante Mariette Melly, les deux messieurs ont l'air un peu "lustig". Peut-être ont-ils un peu trop goûté à la piquette?

Pendant la mobilisation de 1939, Georges Melly, mon grand-père, avait un mulet. Son activité consistait à ravitailler la troupe. Il descendait à Vissoie prendre livraison de la marchandise qu'il amenait aux endroits de stationnement de la troupe (Petit ou Grand Mountet).

Ici, il pose avec une touriste à qui il a proposé sa compagnie jusqu'à la cabane.

A cette page, Mariette raconte le décès accidentel de son papa Georges Melly.

A cette page, Mariette raconte la première prime AVS en 1948.

Belle évocation de la mob de 1914 par Hélène Zufferey

Simon me raconte l'événement de l'été 1914 qui bouleversa le village. La guerre avait éclaté, mobilisation générale de tous les hommes qui devaient se rendre au front. Le 2 août 1914, une cinquantaine de soldats s'étaient rassemblés sur la place. Femmes et enfants les avaient accompagnés, anxieux de leur départ imminent. Fusil sur l'épaule, képi noir, pompon rouge, les hommes avaient la mine longue, agglutinés là comme des condamnés. Même pas un trait d'humour qui eût détendu l'atmosphère ou à un sourire. Partir pour la guerre, chacun savait ce que ça signifiait, mais tous se montraient courageux et cachaient leurs soucis. Il voyaient leur femme autrement avant de la quitter, avec des qualités supplémentaires qui tranchaient sur leurs idées noires, ils pensaient à leur vie paisible dans les champs et sur les chemins, admiraient les toits des maisons qui se chevauchaient, signe d'une appartenance, d'une vie communautaire où l'entraide soutient. Ils regardaient le pays avec d'autres yeux, une détresse cachée leur serraient le cœur, ils suivaient les petits qui s'accrochaient à leurs pantalons bleu marin. Les enfants sautillaient entre les soldats qu'ils trouvait beaux avec leur rangée de boutons brillants et le képi. Allaient-ils revenir ? Chacun se posait la question, mais personne ne la formulait. Sauf Pierre qui, avant de se mettre en marche, dit à Jeanne en pleurant: « Si je reviens plus, donne un coup de main pour les vendanges ! » Après quelques signes d'adieu, le bataillon se mit en branle, le pas lourd, la douleur rentrée. Femmes, enfants et vieux restaient cloués sur place, le visage tourné vers les soldats qui partaient, fusil sur l'épaule, le moral sous les talons. Personne ne s'en alla avant d'avoir vu disparaître le dernier du groupe au fond du chemin. Le bataillon marcha jusqu'à Vissoie ou le recueillit un car pour l'emmener à bonne destination.

"C'était dur, me dit Simon, de partir comme ça pour se bagarrer. Dur surtout pour Pierre qui venait de rentrer de l'école de recrue et du cours de répétition et fut incorporé aussitôt à une unité. Plus de six mois de service militaire ! Quand il revint à la maison, il avait complètement changé; démoralisé, l'esprit tourné, il ne nous parlait plus. Il prenait des colères monstres pour des riens et se cachait pour boire de la piquette. Il ne s'est plus jamais repris."

© Hélène Zufferey, Simon l’Anniviard, 2018, Editions Favre ; pages 171-172

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