Les vitraux de l'Hôtel-de-Ville Repérage

1 janvier 1911
Lausanne
Maxime Reymond
Sylvie Bazzanella

Cet article est en lien avec le document de Nicolas Ogay :

Police de Lausanne, vitrail du Banneret

Huit vitraux peints ornent la salle de la Municipalité, à l'Hôtel-de-Ville de la Palud. Ont-ils toujours été dans cette salle ? Nous ne savons trop. En 1785, la Chambre de fabrique ordonnait de replacer à la salle des LX (le greffe actuel) « quatre armoiries en verre colorié avec leurs attributs. » Il s'agit probablement d'une partie de ces huit vitraux. Quoiqu'il en soit, tous étaient en place il y a cinquante ans au moins.

Ces vitraux ne sont pas l'œuvre du même artiste. Ils comprennent deux groupes :

1° Armoiries de Lausanne. - Vitrail représentant la Vierge et l'enfant Jésus avec aux pieds l'écu écartelé de la Cité et de la Ville inférieure. - Armoiries de Berne. - Armoiries de Fribourg. - Bannière de la ville de Lausanne.

2° Bannière de la Palud. - Bannières de la Cité et de Bourg ( ?). - Bannières de Saint-Laurent et du Pont.

Les différences sont très visibles. Les ornements de ces trois derniers vitraux sont d'un dessin plus délicat que ceux des premiers, les blancs sont traités d'une autre manière, enfin le personnage du banneret de la ville a une autre allure que les autres.

A qui attribuer ces vitraux ? Voici quelques textes :

1° En 1501, la ville dépensa 19 livres pour l'établissement de verrières dans la stupha de la maison de ville de la Palud. Ces vitraux remplaçaient le papier huilé dont on usait précédemment. Mais ces verrières étaient-elles peintes ? La somme relativement importante qui fut dépensée permettrait de le supposer. Seulement nous manquons absolument de preuve.

2° En avril 1528, les syndics payèrent 33 sols à Claude Martin qui porta à Berne « certaines lettres à un verrier qui fait les vitraux qui doivent être posés aux fenêtres de la maison de ville de la Palud. » Combien de vitraux, cela n'est pas dit.

3° Le 19 mai 1552, la ville paye 12 écus et un teston « a Me Henry [François] le peinctre pour la fasson des fenestres doylietz de la salle de la maison de ville, que aussi pour lescusson en toile peincte des armoiries de la ville. » D'autres passages du même compte parlent des ferrures de ces oyllietz ou guichets de fenêtre et disent qu'il y en avait huit.

4° En 1533, on paya 5 fl. A Egrège Jaques Bergier à raison « d'une fenestre en laquelle a mys les armoiries de Messeigneurs de Lausanne. « Jaques Bergier n'était pas peintre et il s'agit sans doute d'un travail complémentaire au précédent.

5° Enfin, en mai 1566, on paya 12 florins 6 sols au peintre Abraham de Cheveulx « pour avoir refait des losanges aux verrières de la sale de la maison de ville en la Palud qui estaient gastées.»

Quel parti peut-on tirer de ces indications ?

Nous devons, semble-t-il, éliminer la première comme trop incertaine, et la dernière qui paraît ne viser qu'une restauration peut-être analogue à celle que fit le peintre Hosch en 1889 (1).

Le travail de 1528 paraît concerner le premier groupe des vitraux. En 1525 avait été renouvelé l'alliance des villes de Lausanne, Berne et Fribourg. Leurs trois armoiries la commémorent. Le quatrième vitrail rappelle que la communauté de Lausanne est formée de la Cité et de la ville inférieure, sous l'égide de Notre-Dame. Enfin, le banneret aux couleurs de la ville marque la prétention des Lausannois d'avoir un héraut à leurs couleurs, prétention que l'évêque leur contestait énergiquement (2).

Comme on le voit, ce groupe se présente d'une façon nettement satisfaisante. L'opinion qui en attribue le travail au peintre verrier Hans Funk se base sur le monogramme que présentent deux des vitraux et sur les autres travaux de l'artiste que rappelle M.P. Ganz dans le Dictionnaire des artistes suisses.

Quand au second groupe, il est possible qu'il se rapporte au travail de Me Henry François en 1552. Aux cinq premiers vitraux il en ajouta trois, et l'ensemble fut les huit holietz dont il est alors question. Le choix des sujets de ces trois nouveaux vitraux s'explique assez bien. Lausanne n'a plus à rappeler qu'elle sous la protection de Notre-Dame et qu'elle est combourgeoise de Berne et de Fribourg. Elle n'a plus de politique indépendante. Mais son organisation reste basée sur cinq bannières et ce sont elles que l'artiste a voulu reproduire.

Comme il ne disposait, nous ne savons pourquoi, que de trois fenêtres, il a dû grouper les bannières. Il a mis seule au premier rang la bannière de la Palud qui, mieux que tout autre, symbolise la ville. Il a réuni les bannières des deux quartiers inférieurs, Saint-Laurent et le Pont. Enfin, les deux principaux quartiers, la Cité et le Bourg, se donnent la réplique.

Mais ici se pose un curieux problème.

Le commentaire du Plaid général, qui date du commencement du XVe siècle, dit que le drapeau du quartier de Bourg est rouge et blanc avec deux clefs (clavium) comme signe. Ces clefs sont les attributs de Saint-Pierre, patron de l'église paroissiale du Bourg. Seulement, le vitrail de 1552 (?) qui doit représenter la bannière de Bourg ne représente pas deux clefs, mais trois petits arcs gravés dans le blanc seul. En 1674, le major de Crousaz, reconstruisant la façade sud de la maison de ville, y fit figurer, à la place de l'écu aux deux clefs, les mêmes trois petits arcs. Lui aussi, évidemment, a vu là les armes du quartier de Bourg (3).

Pourquoi en 1552 a-t-on abandonné les clefs et que veulent dire ces trois petits arcs, dont nous ne trouvons d'ailleurs pas d'autre exemple ancien ? nous ne pouvons pas le dire. Les documents d'archives sont muets sur ce point.

Aurait-on voulu marquer par là que le quartier de Bourg avait droit de justice, et les trois arcs marqueraient-ils naïvement une idée de prééminence ? C'est une hypothèse purement gratuite, que nous avançons faute de mieux, et sans nous dissimuler qu'on l'accueillera peut-être avec un sourire.

Maxime Reymond

Notes :

  • (1) M. le professeur André Kohler estime que de Cheveulx n'a pu que réparer la partie inférieure des verrières en verre blanc encadré de losanges.

  • (2) En théorie, ce banneret devrait être joint au groupe suivant, si l'on ne considère que la bannière. Mais le vitrail est certainement de la même main que les quatre premiers et n'est pas du même artiste que les trois autres vitraux à bannière. D'autre part nous pensons que c'est le droit de la ville d'avoir un héraut portant sa livrée que le vitrail a voulu affirmer.

  • (3) Sur la cloche de la maison de ville figure l'écu de Bourg avec les clefs, mais le travail date de 1867.

Article tiré de : Mémoires et documents publiés par la Société de la Suisse romande - Seconde série Tome IX - Lausanne Georges Bridel & Cie Editeurs, 1911

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