Georges Bizet, Variations Chromatiques de concert Repérage

Diverses sources indiquées dans le texte
René Gagnaux

Quelques détails sur cette oeuvre peu connue de Georges Bizet, en complément de l'enregistrement avec Hélène BOSCHI.
Les oeuvres pour piano de Georges Bizet sont peu souvent jouées, et pourtant elles méritent d'être mieux connues. Fils d'une pianiste, il étudie tôt le piano. À l'âge de neuf ans il entre au Conservatoire de Paris où il étudie - entre autres - le piano auprès d'

Antoine-François Marmontel.

"[...] Durant sa courte vie, Bizet compose son oeuvre pour piano solo en deux périodes: une première de 1851 à 1857, finie quand il part pour Rome à l'âge de 19 ans, et une seconde, qui va de 1865 à 1868. Comparé à son oeuvre lyrique, son oeuvre pour piano est plus réduite. Néanmoins il paraît que Bizet a pris un grand plaisir à mettre son talent à l'épreuve en diversifiant les genres et les caractères. A part un lyricisime « chopinesque » (Nocturnes, Chansons sans paroles), on y trouve des compositions profondément dramatiques (Variations chromatiques), épiques (Chants du Rhin), des pièces virtuoses (Chasse fantastique, Caprices), exotiques (Ronde turque), spirituelles (Méditation religieuse) et des danses (Valses, Polka-mazurka). En outre, Bizet fait près de 200 transcriptions, parmi lesquelles L'Arlésienne.
L'oeuvre pour piano de Bizet a été découverte au fil du temps. Parmi les oeuvres posthumes on trouve les deux Valses, les deux Caprices originaux et le Nocturne en fa majeur. Le Nocturne en fa majeur et la Grande valse de concert en mi bémol majeur sont écrits par Bizet alors qu'il n'a que 16 ans. Dans le Nocturne l'intensité lyrique du pianissimo des parties extérieures contraste avec la partie centrale dramatique et passionnée dans un triple forte. La Valse, que Bizet présente dans un concert de janvier 1855, écrite en forme de rondo, est marquée par son élégante fraîcheur sans effort de lyrisme et virtuosité. [...]" cité de

cette pagedu site Naxos avec le livret d'un

CD consacré aux oeuvres pour piano de Bizet.

Les Variations Chromatiques sont dédicacées à Stephen Heller (1813-1888, pianiste et compositeur hongrois qui vécut les vingt-cinq dernières années de sa vie à Paris, où il étudia auprès de Antoine-François Marmontel, comme Bizet).

Un manuscrit autographe peut-être visualisé à partir de

cette pagedu site Gallica de la Bibliothèque Nationale de France.

Les Variations chromatiques de concert - l'oeuvre pour piano la plus ambitieuse de Bizet - commencent par l'exposition du thème, suivi de 14 variations, les sept premières étant en ut mineur, et les 7 suivantes en ut majeur. À la dernière variation est enchaînée une coda. Dans sa correspondance à Edmond Galabert (ami de Georges Bizet et éditeur), Frédéric Chopin écrit:

"[...] «Je viens de terminer de Grandes variations chromatiques pour piano. C'est le thème chromatique que j'avais esquissé cet hiver. Je suis, je vous l'avoue, tout à fait content de ce morceau. C'est traité très audacieusement, vous verrez.»
Apparemment inspiré des 32 variations en ut mineur de Beethoven que Bizet apprécie et joue en public, c'est la seule composition pour piano d'une très grande tension dramatique. Le thème du destin funeste se présente dès le début - même si les variations en ut majeur promettent une rédemption tentante mais illusoire. Les indications du compositeur sur la partition reflètent la gamme expressive dans toute son ampleur: maestoso, leggero con eleganza, grazioso, con fuoco, agitato, alla polacca, espressivo assai, appassionato, malinconico (mélancolique), Quasi recitativo. A la fin, le destin se réalise avec tutta forza. Bizet a joué les variations en public lors d'un concert de la Société nationale de musique le 23 décembre 1871. [...]" cité de la page Naxos référenciée ci-dessus.

Les Variations chromatiques ont été orchestrées par Weingartner en 1931 (première audition sous sa direction le 7 janvier 1932). "[...] L'orchestration de Félix Weingartner est habile: elle ajoute des touches de couleur toujours appropriées aux quatorze variations, et qui en font ressortir très heureusement les contrastes. Sous cette forme l'ouvrage de Bizet devrait trouver en France le succès qu'il a connu en Europe centrale dans les concerts symphoniques - et qui le venge de l'oubli injustifié où les pianistes tiennent la version originale. [...]" René Dumesnil dans

cet articledu quotidien «Le Monde», édition du 26 octobre 1948 (article paru à la suite d'un concert Pasdeloup sous la direction de Pierre Dervaux, avec cette version orchestrale au programme).

La même année l'oeuvre fut donnée en ballet: "[...]La chorégraphie de Victor Gsovski a le mérite - rare cette saison - de fournir à la troupe l'occasion de danser. Les Variations chromatiques de Georges Bizet, si joliment orchestrées par Félix Weingartner, et dont j'ai dit l'autre jour le plaisir éprouvé à les entendre au concert, ont apporté au maître de ballets la musique adéquate à son dessein. Il en a tiré un excellent parti, et on ne peut adresser qu'un reproche à ses interprètes, et qui est de faire sonner le plancher de scène au moment du solo de violon exigeant toute autre chose qu'une sorte de ronde bruyante. Au premier rang brillent Irène Skorik, incontestable étoile de cette compagnie, qui apparaît en Juliette; Hélène Constantine, qui tient le rôle d'une danseuse d'opéra; et du côté des hommes, Jean Guélis en don Juan et Youra Loboff, en Hamlet. [...]" René Dumesnil dans

cet articledu quotidien «Le Monde», édition du 23 novembre 1948.

Aussi bien la version orchestrale que le ballet ne sont toutefois que très rarement donnés en concert. Il faut attendre une quinzaine d'années pour retrouver cette chorégraphie au programme de l'Opéra de Paris: [...] Bizet avait tout juste trente ans lorsqu'il écrivit en 1868 les Variations chromatiques de concert, pour le piano, devenues hier ballet en prenant pour titre Sur un thème. Cinq ans se sont écoulés depuis les Pêcheurs de perles, une année depuis la Jolie Fille de Perth. Bizet est en possession de tous ses moyens, et si l'on a pu dans ses oeuvres précédentes constater qu'il s'abandonnait quelquefois à la facilité, ce n'est pas dans ces Variations qu'on en trouverait quelque exemple. Il y fait preuve, au contraire, d'une distinction et d'un goût très sûrs, en même temps que d'une habileté d'écriture consommée. Il y avait là de quoi tenter un Félix Weingartner, qui devinait dans la solidité pianistique de l'oeuvre une orchestration suggérée par la trame de cette partition. Lui jette la pierre qui voudra, je m'en garderai après avoir entendu hier à l'Opéra comment sonne cette musique si bien rendue par l'orchestre, sous la direction de M. Richard Blareau: elle est toute finesse; on y sent la main du maitre qui va bientôt écrire l'Arlésienne et qui écrira un peu plus tard Carmen. Quant au rôle assumé par Félix Weingartner, on peut dire qu'il l'a tenu avec une discrétion qui est tout à sa louange. Les couleurs dont il a rehaussé le dessin au trait qu'il trouvait chez Bizet n'empâtent jamais les lignes, mais accusent le relief et mettent en pleine lumiere la sensibilité du texte original. On en vient parfois à regretter le bruit que font les chaussons de danse sur le plancher... Ces " retombées " intempestives, ce piétinement sur les pointes, rompent l'enchantement. Mais nous en avons entendu et en entendrons certainement encore bien d'autres... [...]" René Dumesnil dans

cet articledu quotidien «Le Monde», édition du 20 juillet 1962.

En 1975 c'est Roland Petit qui donne cette oeuvre au Théâtre de la Porte-Saint-Martin avec la troupe du Ballet de Marseille:

"[...] Le lever de rideau est un autre hommage à Bizet dont les "Variations chromatiques", brillamment exécutées sur scène par Elisabeth Cooper, rappellent le pianiste virtuose qu'admiraient Liszt et Berlioz. Là encore et dans un tout autre style, Roland Petit compose des jeux d'adultes, ou plutôt d'Alcides en maillots d'acrobates, poignets de force et paillettes sur les joues, dont les entrées et les sorties pleines d'imprévu et de cocasserie déchaînent un réjouissement permanent. [...]" Olivier Merlin dans

cet articledu quotidien «Le Monde», édition du 18 octobre 1975.

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René Gagnaux
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4 juin 2016
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