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Alpinisme, S.A.C. Genève

9 mars 1904
LA PATRIE SUISSE, collection Claude Durussel-Loutan
Michel Savioz

Alpinisme

La course d'hiver du S.A.C. à la Bella Tolla

L'hiver, la neige, la bise. brr .... heureux sont les gens qui peuvent se payer le luxe d'aller passer à Nice cette saison désagréable ! Eh bien, pas du tout; plus heureux encore sont ceux qui, sans faire du luxe, peuvent à peu de frais et hygiéniquement, se payer le soleil en restant en Suisse à portée du foyer. Notre belle patrie est aussi attrayante l'hiver que l'été. Sortez de Genève la brumeuse et courez en Valais, vous trouverez le soleil chaud et gai.

La section genevoise du S.A.C. va depuis plus de trente ans passer trois jours au chaud et à plus de 2'000 mètres au moins, en plein janvier.

Cette année, elle est partie huit jours trop tôt et elle n'a eu qu'un demi-soleil, mais le cas est assez rare pour être cité. Elle se rendait à Chandolin et de là à la Bella Tolla, 3'001 mètres.

On monte par Soussillon, hameau désert dans cette saison; on entre dans un chalet, il ya a un fourneau et du bois, aux images et inscriptions on reconnait celui du régent, on s'y emballe à l'abri et l'on picote le menu des sacs, puis après avoir tout remis en ordre, on reprend le sentier de Chandolin.

Chandolin est le plus haut village habité de la Suisse (1'999 mètres) et son curé, M. Hoiler, est un excellent Carougeois, aussi n'y a-t-il pas un bouëbe du village qui ne sache que le canton de Genève possède deux villes: Carouge et Genève.

Le brave ecclésiastique, lorsqu'il se rend à l'église par un mètre de neige et plus, pour dire sa messe du matin, songe aux bonnes églises bien chauffées de son canton natal. Il aurait bien voulu voir un chauffage central ou même partiel s'installer à Chandolin, mais les montagnards n'entendent pas cela, jamais on n'a chauffé l'église et ce n'est pas le XXe siècle qui verra du changement à cet égard.

Photo de M. A. de Morsier, à Genève

De Chandolin on se rend à St-Luc par un fort joli sentier serpentant à travers une forêt de mélèzes; en été, c'est délicieux, en hiver c'est bien poétique aussi, surtout quand l'on entend tinter le joyeux carillon de Chandolin auquel répond celui de St-Luc.

À St-Luc, encore un perchoir, car on y loge à 1'800 mètres, tout est sous la neige et pourtant, le dimanche, la population se rend tout entière à l'église; au moment où les clubistes passent, les maisons sont désertes et l'on peut entrer partout se rendre compte d'un intérieur de chalet.

Photo de M.A. de Morsier, à Genève

Il n'y a pas de cambrioleurs à St-Luc et les clefs sont sur la porte, heureux pays !

Pour faire connaissance avec les habitants, on va assister à la sortie de la messe, les femmes quittent leur grand voile blanc et les hommes posent l'espèce de chemise dont ils se revêtent; ils n'en croient pas leurs yeux de voir des "messieurs" venir de bien loin enfoncer leur neige, et plus d'un voudrait descendre en ville avec eux.

Revenir à la ville, hélas ! c'est rentrer sous le brouillard, avaler de la poussière et des miasmes, s'inoculer des microbes à "pares que veux-tu". Revenons, parce que c'est la nécessité, mais faisons comme les clubistes et le premier jour de liberté, filons à la montagne rincer nos poumons au grand air de l'Alpe et au beau soleil de dessus les nuages.

LA PATRIE SUISSE, 9 mars 1904

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Michel Savioz
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5 avril 2014
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